La première victoire d’Obama

En dépit de la farouche hostilité des républicains, Barack Obama est à deux doigts de révolutionner le système de santé. Ce qu’aucun président avant lui n’avait réussi à faire.

En meeting dans le Maryland, en septembre 2009 © Luke Sharrett/The New York Times

En meeting dans le Maryland, en septembre 2009 © Luke Sharrett/The New York Times

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 10 janvier 2010 Lecture : 4 minutes.

En rentrant, le 3 janvier, de Hawaii, où il avait passé en famille les fêtes de fin d’année, Barack Obama n’avait qu’un seul motif de satisfaction, après ses récentes déconvenues environnementales (à Copenhague), politiques (à Pékin), militaires (à Kaboul) et sécuritaire (l’attentat manqué, le 25 décembre, sur un vol Amsterdam-Detroit), mais il est de taille : il est à deux doigts de révolutionner le système de sécurité sociale en offrant une véritable assurance maladie à quelque 31 millions de ses compatriotes qui en sont totalement dépourvus. Le 24 décembre, le Sénat américain a en effet adopté une proposition de loi posant les jalons d’une protection sociale dont rêvent les hôtes de la Maison Blanche depuis… Theodore Roosevelt, en 1912.

« Un droit, non un privilège »

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Plutôt sur la réserve dans la conduite de cette réforme, pourtant la première qu’il avait promis de mener à bien au cours de son mandat, le président américain devrait dans les prochains jours faire le maximum pour convaincre la Chambre des représentants (qui, le 7 novembre, a voté sa propre version du texte) et le Sénat de s’entendre sur un texte commun et définitif avant son premier discours sur l’état de l’Union, fin janvier ou début février.

Il pourra alors répéter haut et fort que sa réforme est « la plus significative depuis l’adoption du Social Security Act, dans les années 1930 », et « la plus importante de notre système de santé depuis la création de Medicare, dans les années 1960 ». Comme l’a déclaré Vicki, la veuve de Ted Kennedy, l’un de ses mentors, devant le Sénat, l’accès aux soins est « un droit et non un privilège ».

La proposition de loi votée par les représentants (par 220 voix contre 215) est nettement plus « à gauche », car elle crée une caisse d’assurance maladie publique destinée à faire concurrence aux compagnies d’assurance privées. Elle est notamment financée par une surtaxe de 5,4 % sur les revenus des couples disposant de plus de 1 million de dollars par an. Elle coûterait 1 055 milliards de dollars, sur dix ans, et profiterait à 36 millions d’Américains.

Le projet voté (par 60 voix contre 39) par les sénateurs tient davantage compte des objections des républicains, qui n’ont cessé de dénoncer une menace d’étatisation du système de santé, ainsi que le coût exorbitant de l’opération. Cette couverture santé serait réservée aux compagnies privées. Elle coûterait 871 milliards de dollars, sur dix ans, et serait financée par des prélèvements supplémentaires sur les revenus des couples disposant de plus de 250 000 dollars par an et par une taxe de 40 % sur les assurances de luxe dites « plan Cadillac ». Elle profiterait à 31 millions d’Américains.â

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Mais les points communs aux deux textes l’emportent sur les divergences. D’abord, tous les citoyens des États-Unis devront souscrire une assurance maladie en 2014, quels que soient leur âge et leur état de santé, de sorte que les jeunes et les bien portants ne puissent se soustraire aux cotisations sous peine d’une amende de 750 dollars.

Chacun pourra choisir une assurance dans une « bourse » où pourront être comparées les différentes offres des assureurs. À partir de 2010, ces derniers ne pourront plus résilier les polices des assurés malades n’ayant pas déclaré leurs antécédents médicaux. Ils ne pourront pas non plus refuser d’assurer quelqu’un en raison de son sexe ou de son âge. Les deux chambres ont refusé que l’interruption volontaire de grossesse soit remboursée par l’assurance maladie.

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Cent millions de dollars seront débloqués pour améliorer l’accès des plus pauvres aux centres de santé communautaires. L’assurance familiale couvrira les enfants jusqu’à l’âge de 26 ans, au lieu de 18 ans actuellement. Les petites et moyennes entreprises recevront une aide pour financer l’assurance maladie de leurs salariés.

Les compagnies d’assurance devront consacrer au moins 85 % de leurs recettes à la santé de leurs clients et verront leurs impôts augmenter de 70 milliards de dollars sur dix ans. Enfin, le déficit du budget fédéral sera allégé d’environ 130 milliards de dollars – toujours sur dix ans – grâce à des économies réalisées dans le cadre du programme Medicare, qui couvre les plus de 65 ans.

Au Parti démocrate, les plus à gauche ne cachent pas leur déception. Ils regrettent notamment que le texte ne crée pas une véritable couverture universelle, sur le modèle européen, et soulignent que 5 à 10 millions de personnes demeureront démunies face à la maladie. Ils se montrent particulièrement mécontents du texte sénatorial. Selon eux, les assureurs s’en tirent trop bien, puisqu’ils bénéficieront d’au moins 31 millions de clients supplémentaires et ne seront pas concurrencés par un organisme public – donc sans but lucratif – susceptible de freiner une éventuelle hausse des tarifs. Signe que les investisseurs n’ont plus peur de la réforme annoncée, le cours des actions des compagnies d’assurances a progressé de 26 % depuis le mois d’octobre.

Quelques bizarreries

Le goût d’Obama pour la recherche du consensus n’a pas, sur ce dossier, été payé de retour. À quelques rares exceptions, les élus républicains ont refusé le projet bipartisan qu’il souhaitait mettre en œuvre et l’ont combattu avec acharnement. Certains prétendaient même en faire le « Waterloo » d’un président qualifié de « communiste » par les plus extrémistes. Mais séduire les démocrates conservateurs ou débaucher les républicains de progrès a créé quelques bizarreries dans le projet. Le Nebraska, par exemple – allez savoir pourquoi ! –, sera dispensé du surcoût imposé aux autres États.

Même si certains commentateurs estiment qu’il s’agit d’une réforme a minima qui n’empêchera pas les dépenses de santé de passer de 17,6 % du produit intérieur brut en 2009 à 20,3 % en 2018, elle n’en constitue pas moins un succès pour Barack Obama, lui qui déclarait : « Je ne suis pas le premier président à m’atteler à la réforme de notre système de santé, mais je suis déterminé à être le dernier. »

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