Sortie de crise ?

Le nouveau chef de la junte a proposé la nomination d’un Premier ministre issu de l’opposition. Une offre qui apaise les tensions mais qui ne résout pas tout.

Publié le 12 janvier 2010 Lecture : 4 minutes.

Sékouba Konaté n’a pas perdu de temps. À peine arrivé à Conakry, le président par intérim a annoncé, le 6 janvier, son intention de nommer un Premier ministre issu de l’opposition pour diriger un gouvernement d’union nationale. Cette personnalité devrait être proposée par l’opposition et sera chargée de conduire le pays vers des élections libres et transparentes.

L’annonce a décrispé une atmosphère politique lourde de tensions dont le point d’orgue a été le massacre, le 28 septembre dernier, de plus de 150 militants de l’opposition dans un stade de Conakry.

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Les partis politiques les plus représentatifs, réunis au sein du Forum des forces vives, les associations de la société civile et la population ont plutôt bien accueilli cette proposition. Les chancelleries occidentales à Conakry ont applaudi. En visite à Kigali, le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, a exprimé sa satisfaction face à cette « bonne surprise ». Qui n’en est en réalité pas une.

La décision annoncée par le général Konaté est en effet le fruit d’intenses tractations souterraines.

Arrivé à Rabat le 28 décembre, Sékouba Konaté – qui a profité de son séjour pour se faire soigner (il serait atteint d’une cirrhose du foie) – s’est rendu au chevet de Moussa Dadis Camara, le chef du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD, nom officiel de la junte), blessé par balles et hospitalisé au Maroc depuis le 4 décembre. L’état de santé du capitaine Dadis Camara est l’objet de nombreuses spéculations. Celui-ci ne s’est pas exprimé en public depuis qu’il a été victime d’une tentative d’assassinat.

Dans l’après-midi du 28 décembre, Konaté a pu lui parler dans sa chambre d’hôpital. En tête à tête, puisque Mamadouba Diabaté, l’ambassadeur de Guinée au Maroc, qui l’accompagnait, a été prié de rester dans la salle d’attente. Le général Konaté aurait reproché au chef de la junte, lors de cet entretien, de s’être « entêté à vouloir se présenter à l’élection présidentielle ».

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Garder Dadis hors de Guinée

« Ton obstination te vaut ton état d’aujourd’hui et a failli te coûter la vie. Tu es là, couché, me laissant avec une situation chaotique à gérer », lui aurait asséné son ancien ministre de la Défense. Il lui aurait également expliqué que, « pour empêcher que le pays ne sombre dans le chaos », il devait laisser à l’opposition le poste de chef du gouvernement.

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Dadis aurait de son côté essayé de convaincre son frère d’armes d’obtenir des garanties sur la cessation de toute poursuite à son encontre. L’enquête menée par l’ONU sur le massacre du 28 septembre met en effet directement en cause le chef de la junte et certains de ses lieutenants.

Sékouba Konaté a rencontré à Rabat Johnnie Carson, chargé des Affaires africaines au département d’État américain, et Stéphane Gompertz, le monsieur Afrique du Quai d’Orsay. Les deux émissaires lui ont assuré qu’il aurait le soutien de leurs gouvernements respectifs s’il s’engageait sur la voie d’un vrai consensus avec l’opposition. Sékouba Konaté leur a exprimé quelques inquiétudes, relatives notamment au sort de Dadis et de ce qu’il adviendrait de lui s’il décidait de retourner au pays après son hospitalisation. Reste maintenant à trouver une terre d’accueil pour Dadis s’il devait quitter l’hôpital de Rabat. Les Marocains n’ont apparemment pas l’intention de le garder ad vitam æternam sur leur territoire.

S’il est convaincu que son prédécesseur est définitivement incapable de reprendre les rênes, Konaté voudrait cependant le tenir en dehors de la Guinée jusqu’à la fin du processus électoral. Pour une raison simple : les proches de Dadis ont pris le temps de s’organiser et pourraient instrumentaliser des soldats pour perturber le jeu.

Le président intérimaire, qui craint parfois pour sa sécurité, a fondu le Bataillon autonome de la sécurité présidentielle (Basp, réputé comprendre de nombreux partisans de Dadis Camara) dans le Bataillon autonome des troupes aéroportées (Bata, qu’il a commandé jusqu’au coup d’État et qu’il contrôle).

À son arrivée à Conakry, il a réuni tout le CNDD, qui a entériné sa décision d’ouvrir le gouvernement à l’opposition. Est-il pour autant à l’abri d’une mauvaise surprise ? À Mamadouba Toto Camara, numéro deux du CNDD et ministre de la Sécurité, qui tentait de le convaincre le 4 janvier que l’armée devait « quitter le pouvoir la tête haute », le ministre chargé de la Sécurité présidentielle, Claude Pivi « Coplan », a répondu : « Il faut que mes hommes reçoivent leur part pour accepter de se retirer. » La tâche du général ne sera pas facile…

Un vrai tournant

De son côté, l’opposition, même si elle est prête à jouer le jeu, pose quelques conditions. Pour le moment, le poste de Premier ministre aurait été proposé par Sékouba Konaté à Jean-Marie Doré, 75 ans, originaire, comme Dadis Camara, de la Guinée forestière, et leader historique de l’opposition.

Ce dernier, qui est par ailleurs le porte-parole et le doyen du Forum des forces vives, a demandé un temps de réflexion. Il y a, semble-t-il, quelques préalables à cette nomination.

« La proposition de Konaté ouvre de nouvelles perspectives. C’est un vrai tournant. Mais il doit d’abord impérativement clarifier un certain nombre de choses », estime François Lonseny Fall, ancien Premier ministre et membre des Forces vives. Pour lui, nommer un chef du gouvernement issu de l’opposition ne suffit pas. « Il faut d’abord que l’on s’entende sur un calendrier, sur les modalités de la transition. » Il estime également que la non-candidature à la présidentielle des membres du gouvernement et du CNDD doit être garantie.

Il est possible que junte et Forces vives se retrouvent d’abord pour négocier et que la nomination du Premier ministre attende encore quelques jours. 

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