Les 101 objets d’Abdelkader Abdi
S’inspirant aussi bien du patrimoine algérien que de la création occidentale, le designer travaille pour des marques prestigieuses comme Alessi.
Abdelkader Abdi n’est pas le genre d’homme à se laisser « résumer » en quelques lignes. Designer multiprimé, il a aussi été musicien de cabaret par le passé. Et dans une vie antérieure, il a également fait partie de l’équipe algérienne de lutte gréco-romaine. Aujourd’hui, en plus de dessiner des meubles, dont plus d’une centaine ont été édités par de grandes firmes comme Alessi, Cinna ou Ligne Roset, il enseigne aux Beaux-Arts d’Orléans. Parce qu’Abdi est un généreux qui a à cœur « de transmettre » ce qu’il a reçu. Mais si l’on devait à tout prix le qualifier en un mot, Imaad Rahmouni, l’un de ses amis architectes, a la solution. « Abdi ? C’est Alger, Alger, Alger, Alger, Alger, Alger, Alger, Alger, Alger, Alger… ! », module-t-il sur tous les tons.
À l’ombre de la casbah
Tout est dit dans cet Alger à la puissance 10. Car Alger, c’est bien sûr l’enfance d’Abdi, qui a grandi à l’ombre de la casbah. « Tous mes souvenirs sont gravés dans mon disque dur », confie cet homme qui, à 55 ans, a su conserver un enthousiasme juvénile. Et ses réminiscences remontent à la surface à chaque fois qu’il imagine une nouvelle pièce. La capitale algérienne s’immisce dans les tajines et couscoussiers qu’il conçoit pour la prestigieuse maison Alessi et dont les couvercles sont rehaussés d’un croissant de lune orange. Elle s’incarne subtilement aussi dans la chaise « mouton » qu’il dessine à la demande de l’incontournable architecte et designer italien Alessandro Mendini, ou encore dans ses longs vases élancés aux allures de minarets. Pour autant, ce ne serait pas lui rendre justice que de laisser croire que sa culture d’origine nourrit à elle seule toute son imagination. Si son patrimoine algérien constitue sa matière première, il sait aussi le marier à de nombreuses influences : Abdi cite notamment les Méditerranéens Gaudí et Mendini, mais aussi Charles Rennie Mackintosh ou Joseph Hoffman.
La liberté recouvrée
Alger, ce n’est pas juste l’enfance insouciante et l’inépuisable matière de son inspiration, c’est aussi la ville dont il a dû s’arracher par deux fois. D’abord en 1979, pour étudier aux Arts déco, à Paris. Puis, dix ans plus tard, pour ne pas se laisser suffoquer, dit-il, par la « médiocrité » ambiante. C’est d’ailleurs peu de temps après son second départ qu’il créera Houn, le meuble exposé au Centre Pompidou (Paris) dans le cadre des 30 ans du VIA (Valorisation de l’innovation dans l’ameublement). Ce cabinet dont les portes évoquent les ailes d’un oiseau incarne à ses yeux la liberté recouvrée lorsqu’il se réinstalle en France. Parce qu’avec Abdi, chaque objet raconte une histoire, un fragment de sa mémoire.
Alger, il n’y vit certes plus, mais il y laissera son empreinte. En 2008, il a remporté un concours international grâce auquel il aura le privilège de signer le design du grand stade qui est en train de s’y construire, et il n’en est pas peu fier. Et Alger, encore et toujours, parce que, aujourd’hui, quand on insiste pour savoir ce qu’il rêverait de dessiner, il finit par avouer que c’est le bureau du président Bouteflika qu’il voudrait « revisiter ». Comment le voit-il ? « Ultracontemporain et à l’encontre des traditions ! »
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