Management : l’efficace réseau des Africains de HEC
Selon le Financial Times, HEC est la meilleure des écoles de commerce en Europe. Une poignée d’Africains sont passés sur les bancs de cette école prestigieuse qui ouvre bien des portes. En France comme sur le continent.
À seulement 32 ans, Pape Ndaw est directeur des achats de la filiale chinoise de Schneider Electric, groupe français numéro un mondial de la distribution électrique. À ce poste, il gère un portefeuille de 350 millions de dollars et a plusieurs centaines de personnes sous sa responsabilité. Ingénieur électronique à la base, ce Sénégalais a été, avant d’occuper cette fonction, consultant chez Boston Consulting Group, à Paris, l’un des plus grands cabinets de conseil en stratégie. Cet impressionnant parcours, Pape Ndaw le reconnaît volontiers, il le doit notamment à son passage à l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC), dont il est sorti diplômé en 2006. Ce qui lui a aussi permis, entre autres, de voir son salaire faire un bond de 30 %.
« Délit de diplôme »
Selon le Financial Times, HEC est la première business school en Europe. Pour la quatrième année consécutive, elle occupe la tête du palmarès 2009 des écoles de commerce du vieux continent, publié le 7 décembre par le quotidien économique britannique. Ils sont plus de deux cents étudiants africains à intégrer chaque année les différents programmes (grande école, Executive MBA, mastères spécialisés…) de la prestigieuse école de commerce. « La solidité de l’enseignement et surtout la réelle capacité de travail que confèrent les méthodes pédagogiques et l’émulation entre élèves à HEC sont des facteurs déterminants dans un parcours professionnel », indique Ousmane Ouédraogo, ex-ministre burkinabè des Finances et du Plan et ancien vice-gouverneur (1988 à 1993) de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), diplômé de HEC en 1976. Comme les deux exemples cités, une partie de l’élite économique et financière du continent est sortie de l’école de Jouy-en-Josas, en région parisienne. C’est le cas de Victor Ndiaye, un autre Sénégalais. Il est le PDG de Performances Management Consulting, le plus grand cabinet de conseil en Afrique francophone, basé à Dakar. Après une prépa au très renommé lycée parisien Louis-le-Grand, il a obtenu son diplôme en 1987.
« Un autre des aspects positifs que donne HEC est la confiance en soi dont elle dote ses étudiants », note-t-il. Ajoutant que l’étiquette HEC permet d’ouvrir de nombreuses portes. « On peut même parler de délit de diplôme », estime Victor Ndiaye. Les divers parcours de nombreux diplômés tendent à le confirmer. Par exemple, celui très éloquent du Marocain Saad Bendidi qui, avant d’être remercié, en 2008, du poste de PDG de l’Omnium nord-africain (ONA), le plus grand holding du royaume chérifien, a été à la tête des plus grandes entreprises du pays. Il a notamment été directeur du département stratégie et planification de l’ex-Wafabank (aujourd’hui Attijariwafa), directeur général de Méditel, le deuxième opérateur téléphonique marocain, et de RMA Watanya, la première compagnie d’assurances du pays.
Bien plus qu’une formation
Les exemples sont multiples et vont du Tunisien Mohamed Hechmi Djilani (HEC 1999), PDG des sociétés tunisiennes Hannibal Lease et Investment Trust Tunisia, à Fodil Chérif (MBA 1998), le directeur général de Citruma, le premier producteur de jus et de concentré d’agrumes du Maroc. Selon ce dernier, « au-delà de la formation académique, passer par HEC vous permet de rencontrer durant vos études des personnes exceptionnelles, tant au niveau des camarades que des intervenants, qui sont toujours parmi les personnalités clés du moment ».
Pape Ndaw confirme : « Un des avantages d’être passé par HEC est de faire partie d’un réseau dense, au sein duquel la solidarité n’est pas un vain mot et la volonté de toujours maintenir l’excellence bien réelle. » Et précisant que son supérieur direct à Schneider Electric est un ancien de HEC, il assure toutefois qu’« il n’est guère question de traitement de faveur. C’est juste que cela donne une garantie sur les connaissances et les aptitudes de la personne qu’on recrute. L’effet école s’estompe d’ailleurs vite et c’est à travers son efficacité sur le terrain qu’on fait ou non une brillante carrière ».
Des dirigeants et cadres d’entreprises qui à un moment de leur parcours sont passés par cette école affirment que cela peut aider à relancer une carrière. C’est notamment l’avis d’un diplômé du programme Executive MBA CPA, qui se tient sur environ quatre mois et qui est destiné aux professionnels. Aujourd’hui haut fonctionnaire de la Banque mondiale en Afrique centrale après avoir occupé des postes de premier plan dans une société de capital-risque, il soutient cependant que, dans les institutions financières internationales, HEC reste « moins connue et moins reconnue » que certaines de ses consœurs telles que l’Insead et la London School of Business and Finance.
Les propositions abondent
Charles Kié, directeur général pour la Côte d’Ivoire du groupe Banque Atlantique, confirme que c’est l’une des raisons qui expliquent son choix du programme Trium Executive MBA. Un programme conjoint proposé par HEC, la New York University - Stern School of Business et la London School of Economics and Political Science. Directeur régional de Citibank en Afrique de l’Ouest au moment où il a été admis dans cette formation de dix-huit mois et dont il est sorti diplômé début 2009, Charles Kié affirme qu’il ne compte plus les propositions qui lui parviennent depuis. « HEC offre une certaine visibilité et donne accès à des opportunités que l’on n’aurait pas eues autrement », explique-t-il.
Si la marque HEC offre de réelles ouvertures aux Africains, le nombre d’élus reste relativement faible. Dans le programme grande école, ils sont tous les ans un peu plus d’une dizaine (majoritairement d’Afrique du Nord) sur les 380 admis, et entre cinq et sept dans le programme MBA, sur 200 inscrits. Ces proportions évoluent très peu au fil des ans. « Il y a sans doute une tendance à la hausse des effectifs d’Africains inscrits dans les programmes de HEC, mais, à mon sens, elle reste encore insuffisante », confirme Moncef Cheikh-Rouhou, un Tunisien membre du corps professoral de la prestigieuse école depuis plus de trente ans. Selon Valérie Gauthier, la directrice du programme MBA, trois principales raisons expliquent cela : un manque d’information, le prix des formations (42 000 euros, et qui sera bientôt porté à 45 000 pour le MBA) et enfin l’obstacle linguistique, le niveau d’anglais requis (GMAT) bloquant beaucoup de ressortissants des pays d’Afrique francophone. Preuve de cette moindre représentation du continent à HEC : sur plus de 44 000 diplômés de la grande école, seulement 350, africains ou non, travaillent aujourd’hui sur le continent. Dont 250 en Afrique du Nord.
« Ces chiffres sont forcément en deçà de la réalité, car de nombreux diplômés ont été perdus de vue », tente d’expliquer Alexis Mersch, un des responsables de l’Association des diplômés HEC. Certes, la première école de commerce européenne – dirigée par le Français d’origine malgache Bernard Ramanantsoa – est de plus en plus présente sur le continent à travers des clubs de réflexion des dirigeants et des professionnels, au Sénégal et en Côte d’Ivoire, et grâce à l’Université du coton, au Burkina. Mais à part quelques prépas, sept au Maroc et une au Sénégal (ISM), qui permettent à des étudiants de passer le concours d’entrée, aucun établissement satellite de HEC n’est basé sur le continent africain. « Il y a encore un manque d’information de notre part sur les nombreux modes d’accès aux programmes de HEC », conclut Bernard Ramanantsoa.
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