Cette année-là

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Publié le 18 janvier 2010 Lecture : 2 minutes.

Cameroun, les défis de la croissance
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Cameroun, les défis de la croissance

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C’est lui qui, le 1er janvier 2010, aura l’honneur d’ouvrir le bal du cinquantenaire. Curieuse date que ce jour de l’an 1960, voulue par un Ahmadou Ahidjo pressé, qui vaut au Cameroun d’être le premier sur la liste des quinze États d’Afrique francophone à accéder, cette année-là, au soleil des indépendances. Le petit Peul de Garoua, télégraphiste autodidacte aussi habile que dissimulé, remarqué par Pierre Messmer, qui favorisera son ascension, est l’homme par qui cette colonie étrangement découpée entre à l’ONU. Ahidjo a alors 35 ans, le visage poupin, les cheveux ras, une petite moustache, le boubou avantageux, une éternelle calotte rouge et la démarche alerte. Derrière ses lunettes fumées, il observe ses adversaires avant de fondre sur eux. Son concurrent malheureux, André-Marie Mbida, et les chefs rebelles de l’Union des populations du Cameroun l’apprennent à leurs dépens. Avec l’aide de l’armée française, qui ratisse le pays bamiléké, Ahidjo fera place nette en moins d’un an, le temps que fanent les fleurs du printemps démocratique camerounais. Référendum constitutionnel en février, législatives – remportées de justesse – en avril, élection par l’Assemblée en mai, empoisonnement providentiel de Félix Moumié à Genève en octobre : l’année 1960 est celle de la mise en place d’un régime que, à l’aune des critères d’aujourd’hui, on qualifierait probablement de dictature.

1960, année charnière dont le Cameroun n’a pas fini de solder les comptes. C’est en cette année trouble que s’installe une administration à nulle autre pareille qui, aujourd’hui encore, permet au pays de fonctionner en pilotage automatique. Mais aussi une police redoutable, livrée clés en main par Jean Fochivé et dont l’omniprésence inculquera pendant un demi-siècle à toute la classe politique le culte du secret.

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La marche vers la réunification, parachevée en 1972, se poursuit au forceps, semant les graines du malaise des anglophones camerounais. Cette année-là, Douala compte 130 000 habitants et Yaoundé à peine le tiers. Il faut deux jours de piste pour relier les deux villes. Un certain Paul Biya, ancien séminariste, étudie le droit public à la Sorbonne. Il a 27 ans.

Le 30 novembre 1989, Ahmadou Ahidjo meurt à Dakar, où il est inhumé. Le 20e anniversaire de cette disparition est passé presque inaperçu au Cameroun, qu’il a pourtant construit, et auprès des Camerounais, dont il avait doublé le niveau de vie en deux décennies de pouvoir. Entre son successeur et lui, on le sait, l’histoire s’est terminée dans le sang du putsch manqué d’avril 1984. Mais beaucoup d’eau, depuis, a coulé sous les ponts du Wouri.

2010, année historique, verra-t-elle enfin le rapatriement sur sa terre natale de la dépouille du père de l’indépendance ? Nul ne sait si Paul Biya y songe. Difficile d’imaginer pourtant un geste plus fort et plus symbolique que celui-là pour que, cinquante ans après, le Cameroun se réconcilie enfin avec son passé.

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