2009, l’année noire du Moyen-Orient

Malgré quelques avancées extrêmement positives, notamment en Arabie saoudite, au Liban et en Syrie, la région reste minée par de graves conflits non résolus. Et fait toujours figure de poudrière.

Les ruines d’une mosquée, à Al-Atatra, dans le Nord de Gaza, après l’opération Plomb durci © Tyler Hicks/The New York Times

Les ruines d’une mosquée, à Al-Atatra, dans le Nord de Gaza, après l’opération Plomb durci © Tyler Hicks/The New York Times

Publié le 11 janvier 2010 Lecture : 7 minutes.

Au Moyen-Orient, l’année qui s’achève, et qui a commencé par l’agression meurtrière d’Israël à Gaza, a été marquée par la souffrance et la détresse. Même l’accession de Barack Obama à la présidence des États-Unis n’a pas suffi à apporter un semblant de paix dans une région profondément troublée. Au départ, l’arrivée d’Obama au pouvoir ressemblait à un cadeau du ciel. Voilà un leader extrêmement atypique, brillant et éloquent, qui promettait de réinventer l’Amérique et de panser les plaies des années Bush. Mais les espoirs immenses qu’il a suscités, particulièrement dans le monde arabo-musulman, n’ont pas encore été pleinement concrétisés. Il ne faut cependant pas désespérer : le mandat d’Obama dure encore trois ans. 

Washington paie les années Bush

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Malgré les efforts du président américain, la situation reste instable et potentiellement explosive en Irak, en Iran, en Afghanistan, au Yémen, en Somalie, au Soudan, de même que sur le terrain du conflit israélo-palestinien, témoignant de la gravité des crises dans ces pays, mais aussi de l’incapacité des États-Unis, affaiblis, à imposer leur volonté. Pendant les vingt années qui ont suivi la chute du mur de Berlin en 1989, les États-Unis semblaient être la superpuissance mondiale incontestée, capable d’imposer sa loi autant à ses amis qu’à ses ennemis. La vitesse à laquelle cette suprématie s’est érodée est l’un des enseignements marquants de 2009. Plusieurs facteurs y ont contribué. Parmi eux, la riposte enragée de l’administration Bush aux attaques du 11 septembre 2001 ; l’influence ­déplorable des néoconservateurs pro-israéliens sur la politique américaine au Proche-Orient ; la désastreuse guerre en Irak ; l’inopportune « guerre contre le terrorisme », largement perçue comme une guerre contre l’islam ; la grave crise financière internationale déclenchée par la cupidité débridée de Wall Street ; et, surtout, l’ascension de la Chine, qui marque un tournant dans les rapports de force que la splendeur des Jeux olympiques de Pékin a révélé, via la télévision, à tous les foyers du monde.

Rien n’illustre mieux le déclin du pouvoir américain que le rejet plein de défiance, à la fois par Israël et par l’Iran, des demandes des États-Unis, de même que la réticence évidente de leurs alliés européens à contribuer à la guerre en Afghanistan autrement que par l’envoi d’un nombre de soldats symbolique. On dirait que la tâche peu enviable de Barack Obama sera de gérer le déclin américain du mieux possible.

La nouvelle image de l’Iran

En Irak, le président des États-Unis s’est engagé à mettre un terme à la présence militaire américaine, achevant ainsi l’aventure ­mésopotamienne de George W. Bush. Mais cela n’a pas apporté la paix à ce pays brisé. Les attentats terroristes continuent d’ensanglanter Bagdad et d’autres villes. La région devra subir les conséquences de la destruction de l’Irak pendant de longues années. Parmi ces conséquences, les tensions croissantes entre sunnites et chiites, et le renversement du rapport de force dans le Golfe en faveur de l’Iran. L’Histoire jugera sans doute l’invasion et l’occupation de l’Irak comme un des grands crimes de notre temps.

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L’un des événements les plus spectaculaires de l’année fut le mouvement de protestation massif qui a suivi les élections truquées de juin en République islamique d’Iran. Le président Ahmadinejad – mais aussi le Guide suprême, Khamenei – a été défié par des manifestations répétées à Téhéran et ailleurs, mais aussi au sein d’une élite dirigeante profondément divisée. Et la répression brutale n’a pas suffi à étouffer cette opposition florissante. Du coup, c’est une nouvelle image de l’Iran qui s’est révélée au monde : courageux, jeune, éduqué, aspirant à une vraie démocratie, tout en restant fidèle aux valeurs de l’islam.

Parallèlement, l’Iran a poursuivi l’enrichissement de l’uranium, un programme dicté autant par un nationalisme ombrageux que par la nécessité d’acquérir un moyen de dissuasion contre une attaque militaire. Ni les négociations, ni les sanctions, ni même la menace d’une offensive militaire d’Israël ou des États-Unis n’ont convaincu l’Iran d’abandonner son programme d’enrichissement. Le monde pourrait avoir à vivre, après tout, avec une bombe iranienne. Et cela causera peut-être plus de peur que de mal. En rééquilibrant les rapports de force régionaux, elle pourrait même contribuer à la paix.

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La guerre en Afghanistan est, sans aucun doute, le plus grand défi d’Obama, qui a exaucé la demande de son commandement militaire d’envoyer plus de troupes, probablement contre sa volonté. Mais très peu d’analystes considèrent que cela garantira la victoire. Négocier avec les talibans sera en fin de compte nécessaire si l’on souhaite un jour mettre un terme à cette guerre qui dure déjà depuis huit ­longues années.

Bonnes nouvelles du Liban et de la Syrie

Quid de l’interminable conflit ­israélo-palestinien ? Déterminé à le résoudre, Obama a pris l’initiative dès les premières heures de sa présidence en nommant un négociateur confirmé, George Mitchell, comme son envoyé spécial. Mais le seul résultat obtenu a été d’arracher à un Benyamin Netanyahou réticent un gel partiel de la colonisation pendant dix mois (hormis à Jérusalem-Est, qu’Israël continue de coloniser et de judaïser). Dans le même temps, les deux principales factions palestiniennes, le Fatah et le Hamas, continuaient de se déchirer, ­indifférentes aux dommages qu’elles infligent à leur cause.

Des nouvelles assez bonnes sont venues cette année de Syrie et du Liban. Avec l’aide de la France, du Qatar, de la Turquie et d’autres pays de bonne volonté, la Syrie s’est sortie de l’isolement dans lequel l’administration Bush avait tenté de la confiner. Le jeune président Bachar al-Assad a tenté, avec un certain succès, de construire un État moderne. Mais ses efforts ont été gâchés et l’image de son pays écornée par des violations des droits de l’homme et la répression de l’opposition.

Pendant ce temps, après avoir élu à la présidence, en 2008, son ancien chef des armées, le général Michel ­Sleimane, le Liban se donnait, après des mois de tractations stériles, un nouveau gouvernement emmené par la majorité de Saad Hariri. Ce dernier a réussi à obtenir un compromis avec le Hezbollah, principale force de l’opposition, aux termes duquel le mouvement ­chiite est autorisé à conserver une ­milice armée pour défendre le pays contre une éventuelle agression israélienne. Malgré l’agitation sur le plan national et régional, les banques libanaises ont continué de prospérer, tandis que les Libanais, indécrottables optimistes, du moins l’importante classe moyenne, s’amusent toujours autant, comme eux seuls savent si bien le faire.

Pour compléter le tableau, mentionnons le Yémen, déchiré par des ­troubles graves à la fois dans le Nord et dans le Sud ; l’Égypte, obsédée par la question pendante de la succession du président Moubarak ; et Dubaï, victime imprudente de sa propre exubérance financière. 

L’ami turc

Les deux grands gagnants de 2009 sont la Turquie et l’Arabie saoudite, pays qui se sont imposés comme les « grands frères » les plus stables et raisonnables de la région. La Turquie a gagné l’admiration du monde grâce à sa diplomatie active en faveur de la paix, de la prospérité et des relations de bon voisinage dans la région. La Turquie n’a peut-être pas encore ­intégré l’Union européenne, comme elle l’aurait pourtant mérité, mais elle a rapidement noué des relations économiques et politiques étroites avec la Syrie, l’Irak, l’Iran, l’Afghanistan et quantité d’autres pays, y compris l’Arménie, sa vieille adversaire. Elle a même fait quelques pas prudents vers le règlement du conflit avec sa ­population kurde, bien que la situation se soit de nouveau détériorée avec les émeutes de décembre à la suite de la dissolution du principal parti ­politique kurde par la Cour constitutionnelle.

De son côté, l’Arabie saoudite a consolidé sa position de leader du monde arabe et s’est distinguée par sa grande prospérité, la variété et l’étendue des talents de son élite dirigeante (royale ou non), une façon de gouverner marquée par la recherche du consensus et les réformes imprimées par le roi ­Abdallah. En outre, le Conseil d’allégeance que le roi a créé en 2006 est bien placé pour garantir la continuité d’une bonne gouvernance à l’avenir. Parmi les ­nombreuses initiatives à mettre au crédit du roi Abdallah figurent ­l’influence positive qu’il a exercée au sein du Conseil de coopération du Golfe (CCG), le frein mis à la poussée des religieux radicaux, souvent obscurantistes, dans son pays et le lancement tant attendu de l’Université des ­sciences et des technologies du roi Abdallah (KAUST), futur centre académique d’excellence scientifique. Preuves de la vision réformiste du roi, deux premières : le campus de cette nouvelle université est mixte et une femme, Noura al-Fayez, a été nommée au poste de vice-ministre de l’Éducation des femmes.

Voilà des avancées extrêmement positives, mais qui ne peuvent masquer la triste réalité d’un Moyen-Orient miné par de nombreux conflits non résolus et qui reste au cœur de la crise mondiale. 

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