Adieu Montazeri, l’ayatollah rebelle

Hossein Ali Montazeri est décédé à l’âge de 87 ans le 19 décembre à Qom, en Iran. De 1988 à sa mort, ce disciple de Khomeiny fut le contempteur le plus éclatant – et le plus gênant pour Téhéran – du régime qu’il avait lui-même aidé à mettre en place. Parcours d’un homme dont le courage n’a jamais faibli.

Hossein Ali Montazeri (ici dans sa maison de Qom, en octobre 2003) est décédé le 19 décembre © Raheb Homavandi/Reuters

Hossein Ali Montazeri (ici dans sa maison de Qom, en octobre 2003) est décédé le 19 décembre © Raheb Homavandi/Reuters

Publié le 4 janvier 2010 Lecture : 3 minutes.

« Parlez de vos morts en bien ! » recommande le prophète de l’islam. Les dirigeants de la République islamique d’Iran n’en ont cure. Après le décès de Hossein Ali Montazeri, 87 ans, le 19 décembre, à Qom, ils ont continué à s’acharner sur lui. Le grand ayatollah est devenu un vulgaire « monsieur, mort de sénilité ».

Si le régime n’en a pas fini avec Montazeri, c’est que, jusqu’au bout, ce dernier lui aura donné du fil à retordre. Même sa disparition aura été l’occasion d’une démonstration de force de l’opposition réformiste. Des centaines de milliers d’Iraniens ont participé à ses funérailles dans la ville sainte de Qom, psalmodiant ce slogan que les haut-parleurs des miliciens basiji avaient du mal à étouffer : « Montazeri n’est pas mort, c’est le gouvernement qui est mort ! »

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Shirin Ebadi, Prix Nobel de la paix, a élevé Montazeri au rang de « père des droits de l’homme en Iran ». Ces ­dernières années, son courage ­faisait penser au Sakharov de la défunte URSS. Son destin évoque celui de ­Trotski. Lui aussi a été le ­doctrinaire d’une ­révolution avant de devenir le contestataire le plus radical du ­régime. 

Assigné à résidence

Natif de la province d’Ispahan, il fait des études de théologie à Qom. Élève puis disciple de Khomeiny, il est naturellement au premier rang, en 1963, lorsque l’ayatollah appelle à la lutte contre la « révolution ­blanche » (réformatrice) du chah. Après le départ en exil de Khomeiny, en 1964, Montazeri devient son « correspondant » à l’intérieur. Son action contre le régime lui vaut d’être incarcéré en 1974 et condamné à mort l’année suivante. Libéré, il rejoint Khomeiny à Neauphle-le-Château, en France, avant le retour triomphal de celui-ci à Téhéran, juste avant la chute du chah, en février 1979.

Il occupe alors une place majeure dans le nouveau régime. Théoricien du concept central de velayat e-faqih, qui affirme la primauté du religieux sur le politique, il cumule les fonctions : imam du vendredi, président de l’Assemblée des experts, avant d’être le dauphin putatif de Khomeiny. Leur rupture est consommée quand, en 1988, il dénonce le massacre en masse d’opposants. Il écrit à Khomeiny : « Les méthodes de vos services secrets ne valent pas mieux que celles du chah. » Un an plus tard, il récidive en désapprouvant la fatwa lancée contre Salman Rushdie, l’auteur des Versets sataniques. « Nous apparaissons aux yeux du monde comme des assassins », déplore-t-il.

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Les représailles ne ­tardent pas. En mars 1989, il est démis de ses fonctions. Ses écrits sont frappés d’interdiction. En 1997, il est assigné à résidence. La mesure ne sera levée qu’en 2003 par le président Mohamed Khatami, sous la pression d’une centaine de dignitaires religieux. 

La conscience de l’Iran

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Au fil des ans, son courage et la persécution dont il est l’objet font de Montazeri la conscience de l’Iran. Il est écouté lorsqu’il conteste les dérives autoritaires de la velayat e-faqih et préconise une révision de la Constitution pour limiter les prérogatives du Guide suprême.

Après les élections tronquées du 12 juin dernier, il déclare que la République s’est totalement pervertie : « elle n’est ni république ni islamique ». Au train où vont les choses, prévient-il, la « chute du régime » n’est pas exclue. Il critique l’attitude « provocatrice » du président Ahmadinejad à l’égard de l’Occident et plaide pour le « dialogue » sur la question du nucléaire.

Sur son lit de mort, Hossein Ali Montazeri confiait que la prise ­d’otages à l’ambassade américaine, dans la foulée de la révolution de 1979, avait été « une erreur qui nous a aliéné jusqu’à aujourd’hui le peuple américain ».

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