Où est passé Toumba ?

Il a blessé le chef de la junte Moussa Dadis Camara et l’ONU le désigne comme l’un des principaux responsables présumés du massacre du 28 septembre. Et pourtant, Aboubacar « Toumba » Diakité, en fuite, semble jouir d’un certain capital de sympathie auprès des Guinéens…

Aboubacar « Toumba » Diakité, le 2 octobre © AFP

Aboubacar « Toumba » Diakité, le 2 octobre © AFP

Publié le 4 janvier 2010 Lecture : 3 minutes.

Le rapport de la commission d’enquête mise en place par l’ONU pour déterminer les auteurs et les commanditaires du massacre du 28 septembre est tombé tel un couperet. Il cite nommément comme responsables de cette répression, qui a coûté la vie à au moins 150 Guinéens, Moussa Dadis Camara, le chef de la junte qui s’est emparée du pouvoir le 23 ­décembre 2008, Marcel Guilavogui, son neveu et garde du corps, Moussa Tiégboro Camara, son ministre de la Lutte antidrogue et du grand banditisme, et Claude Pivi « Coplan », chargé de la Protection présidentielle. Et, aussi, son ex-aide de camp Aboubacar « Toumba » Diakité.

Devenu l’homme le plus recherché de Guinée depuis le 3 ­décembre dernier, quand il a tiré sur Dadis, qui tentait de lui faire endosser l’entière responsabilité du ­massacre, Toumba suscite aujourd’hui des sentiments contrastés. Autant ses compatriotes l’ont haï dans les jours qui ont suivi le 28 septembre, autant il jouit d’une certaine aura depuis qu’il a vidé son chargeur sur le chef de la junte. Le 15 décembre, les Guinéens ont salué comme un fait héroïque le récit de sa tentative d’assassinat, qu’il livrait sur les ondes de RFI.

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Toumba sauveur

Deux jours plus tard, l’ancien Premier ministre François Lonseny Fall, leader du Front uni pour la démocratie et le changement (Fudec) et l’une des victimes de la répression, a créé la surprise en déclarant, sur la même station de radio, que Toumba était intervenu lors des événements du stade pour empêcher des militaires de le tuer, avec trois autres leaders politiques, avant de les amener à la clinique pour qu’ils y reçoivent les premiers soins. Toumba sauveur

Cette vague de sollicitude envers celui qui passe pour avoir débarrassé la Guinée du très inquiétant Moussa Dadis Camara explique peut-être pourquoi il tarde à être retrouvé, en dépit des moyens qui ont été déployés. Toumba bénéficie de protections et de complicités.

Telle est, du moins, la conclusion d’un rapport confidentiel remis le 22 décembre à Sékouba Konaté, le nouveau patron de la junte, qui assure l’intérim de Dadis. Dans ce document, le chef du bataillon chargé de la traque se dit certain que le fugitif n’a pas quitté la Guinée ni même Conakry. Il estime, en outre, que Toumba s’est séparé des hommes avec lesquels il était entré en clandestinité pour mieux se cacher. Et qu’il sera très difficile de remonter jusqu’à sa ­planque en se contentant de pister ses proches.

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Le pouvoir semble l’entendre

La raison en est simple : Toumba est un solitaire qui n’a pas de femme et n’a qu’un seul fils, âgé d’une dizaine d’années. Est-ce pour qu’ils conduisent les enquêteurs jusqu’à lui que les membres de sa famille qui avaient été arrêtés ont été libérés ? Le 17 décembre, en effet, Sékouba Konaté a ordonné l’élargissement de son frère, de ses deux cousins et de son père, lui-même commandant dans l’armée. Et fait dire à sa mère, qui prolongeait son séjour à La Mecque après son ­pèlerinage, qu’elle pouvait sans crainte rentrer au pays.

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Le lendemain, Claude Pivi « Coplan » a enjoint ses hommes impliqués dans les recherches de ne plus inquiéter ceux réputés proches de Toumba et de se contenter désormais de les interroger, puis de les relâcher.

Le zèle des premiers jours de traque est retombé. La junte et son nouveau chef s’en tiennent désormais au service minimal, davantage préoccupés de ­mettre de l’ordre dans les rangs et d’éviter au pays de basculer dans le chaos. Toujours en possession d’un téléphone portable, l’ex-aide de camp de Dadis appelle parfois certains responsables de la junte pour leur donner des gages et réclamer une forme de cohabitation pacifique. Son message semble d’autant mieux entendu qu’il ne représente une menace immédiate ni pour l’État ni pour le pouvoir. 

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