Camus tel qu’en lui-même

Dans son dernier livre, le romancier et journaliste José Lenzini tente de cerner l’état d’esprit de l’écrivain à la fin de sa vie. Entre introspection et portrait d’une époque.

L’écrivain français en 1947, à Paris © Henri Cartier-Bresson/Magnum Photos

L’écrivain français en 1947, à Paris © Henri Cartier-Bresson/Magnum Photos

NICOLAS-MICHEL_2024

Publié le 3 janvier 2010 Lecture : 2 minutes.

Le 4 janvier 1960, sur la route nationale 5, non loin de Sens (Yonne), la Facel Vega ­conduite par l’éditeur Michel Gallimard fait une embardée et percute un platane. Assis sur le siège passager, l’écrivain Albert Camus, Prix Nobel de littérature trois ans plus tôt, est tué sur le coup. Il a 46 ans.

Dans Les Derniers Jours de la vie d’Albert Camus, l’écrivain et journaliste José Lenzini s’invite à bord de la puissante cylindrée qui file à vive allure vers Paris. Dans le huis clos de l’habitacle, quelques conversations et de longs silences. Plutôt que de rédiger un essai supplémentaire sur Camus, Lenzini a tenté de cerner l’état d’esprit de l’écrivain. Reconnu mais attaqué, blessé dans sa chair par la guerre en Algérie, toujours en proie au doute, l’homme révolté poursuit sa quête et continue, jour après jour, d’écrire pour cette mère illettrée et muette qui ne peut pas lire ses mots. Entre introspection et portrait d’une époque, le récit de Lenzini glisse inexorablement vers la tragédie.

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« J’ai travaillé d’abord sur le factuel, confie l’auteur. J’ai par exemple enquêté sur les programmes radiophoniques de l’époque. Puis j’ai essayé d’imaginer Camus dans les situations du quotidien et j’ai ajouté des citations en rapport avec ces situations. Je voulais être le plus proche possible de la réalité. » Pourquoi, dans ce cas, choisir la fiction ? « Camus, c’est un mec charnel. Si on l’oublie, on loupe tout. Et puis, l’essai a un caractère trop sacralisé : j’avais envie de parler avec mes tripes. » Il n’empêche : Lenzini s’appuie sur de longues années passées à étudier dans le détail l’œuvre de l’homme né à Mondovi (Algérie) en 1913 et sur lequel il a déjà rédigé plusieurs ouvrages.

Cette passion pour l’auteur de La Chute et de L’Envers et l’endroit date des années 1970. À cette époque, Lenzini – qui est né lui aussi en Algérie – confesse qu’il cherchait un « bouc émissaire » et l’avait trouvé en la personne de Camus. Pourquoi le célèbre intellectuel n’avait-il donc pas utilisé sa renommée pour s’élever contre la guerre ? Nul doute que la relation qu’entretenait Camus avec l’Algérie, où vivait sa mère, était d’une extrême complexité. Lui-même le reconnaissait : « J’ai ainsi avec l’Algérie une longue liaison qui sans doute n’en finira jamais et qui m’empêche d’être tout à fait clairvoyant à son égard. »

Malgré sa colère contre Camus, Lenzini a découvert qu’il avait tout faux et s’est laissé séduire. « Je me suis rendu compte qu’il avait tiré la sonnette d’alarme dès les années 1930. À 19 ans à peine, il écrit déjà dans Ikdam [un journal qui défend notamment l’égalité entre les colons et les Algériens, NDLR]. Ensuite, il n’a cessé de se battre contre les excès du colonialisme. »

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