Passés les flonflons de la fête
Week-end à Imkouka, qui célèbre la visite de quelques personnalités. L’occasion de saisir quelques bribes du quotidien des habitants, leur appréhension de la saison sèche qui commence et leurs projets pour le village.
Burkina : 2010, l’année de tous les enjeux
À Imkouka, à une soixantaine de kilomètres de Ouagadougou, dans la région du Plateau-Central, c’est la fête. À l’occasion de l’inauguration d’un comptoir d’achat de graines de jatropha, les habitants se sont parés de leurs atours des grands jours. Pagnes et châles colorés pour les dames, costumes traditionnels pour les messieurs, danses et chants pour tous. Ils et elles rivalisent d’élégance et de talent pour honorer leurs invités de marque : le Larlé Naba (chef traditionnel), le ministre du Commerce, de la Promotion de l’entreprise et de l’Artisanat, et quelques autres éminentes personnalités.
Les flonflons s’éclipsant, chacun retournera à ses occupations, peu prenantes pendant la saison sèche, qui s’achèvera en mai ou juin avec les premières pluies, si Dame Nature le veut bien. En attendant, les hommes prendront surtout soin du cheptel : bœufs, moutons, chèvres ; ânes et chevaux pour la traction ; sans oublier poulets et pintades.
Les femmes, elles, seront plus occupées : préparation des repas, vente d’eau – qu’elles vont chercher à des kilomètres à la ronde –, ramassage d’herbes pour le gros bétail. Mais aussi fabrication de beurre de karité et de dolo, la bière de mil, qu’elles écoulent au marché avec une partie de leur récolte de mil et d’arachide « pour acheter des vêtements et des cahiers pour les enfants qui vont à l’école, là-bas, à deux bons kilomètres », explique Kipoko Tanosaa, conseillère municipale du village, en désignant du doigt un vague point à l’horizon.
Quand cessent les pluies…
À Imkouka, une fois les récoltes et autres travaux agricoles achevés, le sous-emploi prend le dessus, comme dans la plupart des villages où l’on produit essentiellement des céréales (maïs, riz, mil, sorgho), du sésame, de l’arachide, du niébé, et qui ne disposent pas de retenues d’eau ou de systèmes d’irrigation permettant de développer des cultures de contre-saison. Les rares revenus monétaires destinés à nourrir la famille – et le troupeau, quand l’herbe manque – proviennent de la vente de bétail et d’un petit commerce.
L’introduction de la culture du jatropha au village, seul arbre encore feuillu et apportant un peu de verdure en ce début de saison sèche, a permis de créer des emplois, fixes et saisonniers, sur les plantations du Larlé Naba. Pour les villageois, qui se sont récemment lancés dans la culture de jatropha, il faudra attendre que ce dernier produise des graines pour pouvoir tirer les premiers profits. De toute façon, c’est nouveau ; alors, même si on y croit, on ne sait pas comment cela va évoluer.
Jusqu’à présent, pour glaner quelques francs, les hommes n’hésitent pas à partir pendant les trois ou quatre mois de saison sèche, voire davantage. « Certains vont faire du maraîchage là où ils trouvent une retenue d’eau, explique Roger. D’autres tentent l’aventure en ville. Quelques-uns encore vont en Côte d’Ivoire, maintenant que la crise s’est calmée, même si c’est difficile là-bas. » Des jeunes filles suivent le mouvement. « Elles sont de plus en plus nombreuses à vouloir aller en ville pour trouver un travail. Si j’avais 20 ans, je partirais moi aussi », assure Tipoko.
Ce n’est pourtant pas de gaieté de cœur que les habitants d’Imkouka partent. Car, jeunes ou vieux, ils tiennent à leur village. Mais pour rester sur place, il faudrait augmenter la production céréalière et diversifier les cultures. Et pour cela, « même si la terre est bonne, il faut de l’eau et des crédits pour acheter des outils, car les nôtres sont rudimentaires », explique Édouard, qui, lui, rêve d’agrandir son troupeau. Une autre doléance porte sur la création d’un centre de santé.
C’est pour les jeunes que la vie au village semble plus difficile. Outre le manque de travail et de revenus – que l’on essaie de pallier en vendant des bricoles –, qui retarde souvent l’accès au mariage, la rareté des loisirs mine parfois le moral. Il y a bien les groupes de musique, de danse et de théâtre traditionnels, qui permettent d’animer les soirées. Le football aussi – Messilli, l’équipe d’Imkouka, est, paraît-il, la meilleure du coin. Et de temps en temps une escapade à Toéghin, la commune d’à côté, pour y prendre un verre et écouter de la musique « moderne ». C’est tout.
La principale requête de la population, que les deux conseillers municipaux du village n’ont pas manqué de transmettre au maire, c’est la construction d’un petit barrage. Depuis les élections municipales d’avril 2006, qui ont consacré la communalisation intégrale, Imkouka forme avec 17 autres villages la commune rurale de Toéghin, qui compte quelque 20 000 habitants. Lors des sessions du conseil municipal – cinq par an –, les débats sont animés. « Chaque village élit deux conseillers, un homme et une femme. Et les femmes ne sont pas les moins bavardes », commente Michel Sawadogo, le maire, prompt à reconnaître que l’eau est un vrai problème : « Nous n’avons qu’une retenue d’eau pour 18 villages. »
Pour fonctionner, Toéghin, commune centre et siège des services déconcentrés de l’État, dispose d’un budget alimenté par diverses taxes. Mais, faute d’être lotie (ce sera pour 2010), elle ne perçoit pas de taxe de résidence et les villageois se montrent réticents à payer la « taxe charrette », soit 1 000 F CFA (1,52 euro) par carriole… qu’ils s’efforcent de ne pas déclarer. Tant et si bien que les taxes collectées sont inférieures à ce qu’elles devraient être. Elles s’élèvent à 12 millions de F CFA (près de 18 300 euros), de quoi payer le personnel de la municipalité et financer le transport des enseignants et des élèves pendant les examens, la réfection des locaux de la police locale, ainsi que divers travaux et services.
Petit à petit, Toéghin investit
Pour les investissements, la commune bénéficie d’une subvention de 5 millions de F CFA de l’État – mais, là encore, « tout ne vient pas » – et, heureusement, d’une aide de 23 millions de F CFA émanant du Programme national de gestion des terroirs (PNGT2), qui permettent de financer des projets dont le choix est âprement discuté par le conseil municipal. Ont été réalisés un centre permanent d’alphabétisation et de formation, deux forages d’eau potable et 92 fosses sceptiques. Une forêt communale de 2 hectares a été plantée et des cordons de pierre, destinés à retenir l’eau et à maintenir les matières organiques autour des champs, ont été aménagés sur 15 hectares. D’autres projets seront exécutés dans le cadre du PNGT2, qui court jusqu’en 2015. Les financements du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) devraient par ailleurs permettre de construire un millier de latrines pour l’ensemble des villages, dont deux cents dans la commune centre.
Reste à trouver 200 millions de F CFA pour le fameux barrage… Un casse-tête. Le maire compte sur la coopération décentralisée. Déjà le club Unesco de Bry-sur-Marne (en France, près de Paris) a fourni du matériel au collège de Toéghin, et un jumelage est envisagé. Alors, pourquoi ne pas mobiliser d’autres partenaires pour les projets prévus dans le plan de développement de la commune ?
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