Agriculture : du grain à moudre et à transformer

Échaudé l’an dernier par la hausse des prix des produits de base, l’État a engagé une nouvelle politique agricole. Ses priorités : la filière céréalière et le développement des industries agroalimentaires.

Publié le 31 décembre 2009 Lecture : 4 minutes.

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Les émeutes de la faim et les conséquences de la crise économique mondiale qui ont secoué le pays en 2008 ont remis bien des pendules à l’heure. Pourquoi importer du riz d’Asie, alors que ses prix ont explosé, quand on peut en produire localement ? Et peut-on mieux armer le secteur cotonnier pour que les revenus des cotonculteurs ne fassent plus le yo-yo au gré de la fluctuation des cours mondiaux ? Qu’il s’agisse d’importations ou d’exportations agricoles, plus question, semble-t-il, de dépendre trop fortement de l’extérieur.

« Quand la crise est arrivée, on s’est dit que l’on avait eu tort de tourner le dos aux cultures vivrières, explique Laurent Sédogo, le ministre de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques. Désormais, c’est sur les cultures vivrières, notamment céréalières, que la nouvelle politique agricole met l’accent. »

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Dans un premier temps, pour faire face à la crise, le gouvernement a mis à la disposition des agriculteurs des engrais et des semences à prix subventionnés. Soit une facture de quelque 11 milliards de F CFA (plus de 16,7 millions d’euros) pour l’État.

« De la réponse immédiate à la crise, continue Laurent Sédogo, on est passé à l’élaboration du Programme de développement rural productif », qui s’articule autour de six axes, à commencer par la sécurisation du foncier, grâce à l’adoption de la nouvelle loi foncière rurale fixant les règles d’accession à la propriété. Il s’agit, ensuite, d’amener les paysans à produire pour le marché et à devenir des entrepreneurs. Si les producteurs de coton et de cultures de contre-saison ont intégré cette logique, ce n’est pas le cas des céréaliers, qui produisent principalement pour leur propre consommation. Aussi, pour assurer le lien entre la production et le marché, une direction générale de la promotion de l’économie rurale a été créée au sein du ministère de l’Agriculture.

De l’urgence au long terme

Autre levier de la politique agricole : l’irrigation, indispensable pour échapper aux caprices du temps. « On réfléchit à des programmes de renforcement de l’irrigation, explique le ministre, avec la mise au point de systèmes simples de capture d’eau, l’aménagement des bas-fonds et le creusement de petits puits. »

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Pour augmenter les rendements, l’accent est mis sur une utilisation plus grande d’engrais et de fumure organique. Enfin, les agriculteurs sont encouragés à limiter la taille de leurs parcelles au sein des villages pour mieux tirer parti de l’eau et de la fumure, tout en libérant des espaces en brousse pour les cultures vivrières commerciales.

Les principales filières commerciales identifiées sont le maïs, le riz, le niébé, le sésame, la pomme de terre et le haricot vert, dont la production devra être augmentée en quantité et en qualité. « Au Burkina, la consommation de riz dans les villes augmente de 6 % chaque année. La consommation totale est d’environ 400 000 tonnes ; or nous ne produisons que 30 % à 35 % de nos besoins, souligne Laurent Sédogo. Aussi, pour accroître la production, nous misons sur le riz Nerica », abréviation de « New Rice for Africa », dont les variétés ont été obtenues par croisement entre riz africain et riz asiatique.

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Outre la demande urbaine burkinabè, une demande en céréales, en pommes de terre et en haricots verts émane des pays côtiers de la sous-région, un marché de 250 millions d’habitants. Des contacts ont notamment déjà été pris avec le Nigeria pour établir des relations commerciales entre les deux pays.

Face à la concurrence asiatique, le front s’organise

L’augmentation des productions vivrières va de pair avec leur transformation locale, qui leur confère de la valeur ajoutée. Nombre d’opérateurs burkinabè l’ont déjà compris. Ainsi, alors que certaines branches industrielles souffrent de la concurrence des produits importés – les cyclomoteurs chinois ont fait rendre l’âme à la Société industrielle du Faso (Sifa) et les textiles made in China mettent en péril la fabrication locale de pagnes –, la plupart des filières agroalimentaires ont le vent en poupe, hormis les huileries, qui ont du fil à retordre avec les huiles importées de Singapour et de Malaisie, et la Société sucrière de la Comoé (Sosuco), qui peine à rivaliser avec le sucre européen. Ainsi, nombre d’unités de production de jus de fruits, de transformation de maïs (voir encadré) ou de décorticage de riz ont été créées ces dernières années. Un excellent signe.

Avec une production attendue de 532 000 tonnes de coton-graine pour la campagne 2009-2010, en légère hausse, la cotonculture, principale recette à l’exportation du pays et extrêmement dépendante des marchés mondiaux, ne sera pas délaissée pour autant. « Les producteurs doivent cependant comprendre que la bataille est d’abord dans les champs, même si elle se poursuit sur le plan international pour obliger l’Organisation mondiale du commerce [OMC] à interdire les subventions », déclare le ministre de l’Agriculture. Là encore, le but n’est pas d’augmenter les superficies mais les rendements, pour passer de 1 à 1,5 tonne à l’hectare, en utilisant des variétés plus performantes et en fertilisant mieux les sols. En poursuivant la culture de coton génétiquement modifié, avec l’objectif d’en planter quelque 60 000 hectares supplémentaires.

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