Le goût de la démocratie
Burkina : 2010, l’année de tous les enjeux
Vous souvenez-vous du Canada Dry ? C’est cette boisson sucrée qui avait l’aspect et la couleur de l’alcool, mais qui n’en était pas. Eh bien, le Burkina Faso, c’est un peu le Canada Dry de la démocratie. Tous les ingrédients y sont, ça y ressemble pas mal, mais, finalement, on se dit que ce n’est pas tout à fait ça.
Multipartisme, liberté de la presse, élections propres, pour un peu le pays serait irréprochable.
Les organisations de la société civile – le Mouvement burkinabé des droits de l’homme et des peuples (MBDHP), le Centre pour la gouvernance démocratique ou le Réseau national de lutte anticorruption (REN-LAC) – ont toutes pignon sur rue. Elles travaillent, rendent des rapports, dénoncent les abus.
Idem pour la presse, avec sa pléthore de titres, quotidiens, hebdomadaires, bimensuels, mensuels. Les journalistes au Burkina ne se taisent pas et dénoncent à longueur de colonnes les maux de la société.
Il y a plus d’une centaine de partis politiques, plusieurs sont représentés à l’Assemblée nationale et reçoivent à ce titre un soutien financier de l’État. Il a même été créé un curieux statut de « chef de file de l’opposition », qui confère à son titulaire quelques avantages dont un « rang dans le protocole d’État ».
L’Assemblée nationale a son association « Burkindi » (« intégrité », en mooré), un groupe de députés qui traquent la corruption et autres mauvaises pratiques. Depuis un peu plus d’un an fonctionne aussi une Autorité supérieure du contrôle d’État, dotée de moyens humains, juridiques et financiers (800 millions de F CFA par an, soit 1,2 million d’euros).
Une large rue du centre de Ouagadougou a été rebaptisée « avenue du Professeur-Joseph-Ki-Zerbo », l’un des opposants historiques au régime actuel ; un monument aux victimes de « violences politiques », surmonté d’un oiseau blanc écrivant de son bec « Plus jamais ça », a été inauguré. Il existe aussi une journée nationale du Pardon.
Tout y est. Comme un décor de cinéma. Bien planté. Bien conçu. Et pourtant, le Burkina ne fait pas, contrairement à ses voisins ghanéen ou malien, figure d’exemple. Il manque pour cela une véritable bataille électorale, un challenger, une possibilité d’alternance.
L’opposition est divisée, mal organisée, pauvre. Elle n’a pas de leader charismatique et peu de visibilité. Le parti au pouvoir s’en désole – ou du moins fait mine de s’en désoler. Pourtant, la question de l’alternance, qui a déjà secoué le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, au pouvoir), sera forcément, un jour, d’actualité. Et Blaise Compaoré, médiateur en chef, sait certainement mieux que quiconque combien il est important de penser et d’organiser sa succession. À lui de juger quand le temps sera venu. Si l’on en croit l’agitation dans le parti pour lui permettre d’effectuer un nouveau mandat en 2015, ce n’est pas demain la veille.
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