Mustapha
 Sadni Jallab

Après être passé par la Banque mondiale, cet économiste d’origine marocaine travaille désormais pour l’Organisation mondiale du commerce, à Genève.

ProfilAuteur_SamyGhorbal

Publié le 25 décembre 2009 Lecture : 4 minutes.

Ses diplômes universitaires n’ont peut-être pas le lustre de ceux que l’on décroche dans les grandes écoles de la République. Et les postes qu’il a occupés n’évoquent pas forcément grand-chose pour le grand public. Pourtant, dans le monde feutré des économistes internationaux, Mustapha Sadni Jallab jouit déjà d’une solide réputation. C’est que, à seulement 32 ans, ce grand gaillard à lunettes, au crâne lisse et au sourire jovial, a déjà parcouru un joli bout de chemin.

Fils d’immigrés marocains, natif de Mâcon, en Saône-et-Loire, il devient, à 23 ans, enseignant à la faculté des sciences économiques de Lyon-II. Deux ans plus tard, il est recruté par une agence onusienne, la Commission économique pour l’Afrique (CEA), dont le siège est à Addis-Abeba. Après quatre ans en Éthiopie, son ascension se poursuit : il accède au poste prestigieux d’économiste à la Banque mondiale, à Washington. Avant de gagner Genève et l’Organisation mondiale du commerce (OMC), où il est chef d’unité depuis octobre 2008.

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Issu d’une famille modeste, mais éduquée, Mustapha Sadni Jallab a été élevé dans la religion des études par son père qui, tout ouvrier qu’il était, n’a jamais loupé un conseil de classe. Enfance frugale, mais heureuse…

« Oui, je sais, ça fait un peu image d’Épinal, commente son fils. Nous étions douze enfants et j’étais le petit dernier. Les onze premiers ayant réussi, je n’avais qu’à suivre l’exemple. Je me souviens encore de la fête le jour où ma sœur aînée a décroché son bac ! Mais rien n’aurait été possible sans l’aide de l’État. J’ai eu la chance d’être boursier, ce qui m’a permis de surmonter certaines discriminations qui sont sociales avant d’être « ethniques ». Quand on doit travailler pour payer ses études, les filières d’excellence, les prépas par exemple, vous sont de facto interdites. »

Mustapha, qui a la bosse des maths, passe un bac scientifique, hésite entre la médecine et l’économie et choisit finalement cette dernière. À Lyon, qu’il rêvait depuis longtemps de découvrir, il se spécialise dans l’économie internationale. Pas très exaltant ? Au contraire ! « À mes yeux, c’était la discipline qui allait me permettre de comprendre l’origine des inégalités de développement entre les nations. Et, pourquoi pas, de trouver des techniques et des recettes pour tenter d’y remédier. »

Son parcours est à son image : raisonné, cérébral, lucide. Le trotskisme, l’anarchisme ou l’altermondialisme en vogue sur les campus ? Très peu pour lui ! Pragmatique, il veut agir. Enfant de la « génération Mitterrand », il a même été tenté par la politique et a figuré en quatrième position sur une liste du Parti socialiste aux élections européennes de juin 2009. Battu, il a définitivement tourné la page.

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Après son doctorat d’État en économie, il brigue un poste dans la fonction publique internationale. Avec une idée en tête : découvrir et aider l’Afrique, continent qu’il ne connaît, à l’époque, que par ses lectures. Il jette son dévolu sur la CEA, où il est chaleureusement accueilli par l’équipe de l’éco­nomiste tunisien Hakim Ben Hammouda, qui deviendra son mentor et son ami – et avec lequel il cosignera un livre sur les répercussions de la ­tourmente financière sur le continent (La Crise. Une crise de plus ?, éditions Ellipses, avril 2009).

Son ancien patron se souvient de ses premiers pas à Addis : « Bien que découvrant le sud du Sahara, il a percé très rapidement et a réussi à tisser un réseau de contacts dans le monde universitaire et dans les ministères. » Son secret ? « C’est un énorme travailleur, c’est entendu. Mais c’est surtout une personne d’une très grande gentillesse, d’une très grande simplicité. »

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Mustapha conserve un souvenir extraordinaire de ces quatre années passées à sillonner le continent africain – il a visité une quarantaine de pays – et à s’imprégner de ses enjeux.

Comme il faut toujours viser plus haut, il passe, en février 2008, le concours de la Banque mondiale, le nec plus ultra dans une carrière d’économiste international : 12 000 postulants pour 40 lauréats. Et il est reçu !

Son séjour à Washington ne va pourtant durer que quelques mois : en octobre, il est recruté par l’OMC, à Genève. Le poste, qui touche directement à la coopération et au développement, l’intéresse davantage. Mustapha sera désormais régulièrement conduit à conseiller et à encadrer les délégations africaines lors des négociations commerciales internationales. Quitter la capitale fédérale américaine pour les rives paisibles du lac Léman lui permettra aussi de se rapprocher de ses parents, toujours installés en Saône-et-Loire.

Son autre passion, c’est le football. Mustapha Sadni Jallab n’est pas peu fier d’avoir joué aux côtés de Jawad Zaïri, l’insaisissable dribbleur qui fit les beaux jours des Lions de l’Atlas marocains et du FC Sochaux : « Khalid, son grand frère, était un ami. Nous avons grandi ensemble à Saint-Laurent-sur-Saône. Tous les dimanches, son père nous emmenait jouer au stade. Par la suite, j’ai beaucoup fréquenté le stade de Gerland, mais comme spectateur, pour voir jouer l’Olympique lyonnais de Juninho. »

Et maintenant ? Frappé par l’incapacité de la communauté académique à prévoir la crise financière, Mustapha s’est replongé dans l’écriture d’un livre, toujours en tandem avec Hakim Ben Hammouda qui, entre-temps, a lui aussi été nommé à Genève. Pour les deux compères, la crise signifie moins la faillite des marchés que celle des économistes qui croyaient aveuglément en leur autorégulation.

« Complexés par le qualificatif de « science molle » souvent accolé à leur discipline, les économistes ont élaboré des théories toujours plus « scientifiques », qui appréhendaient les marchés comme s’il s’agissait de forces de la nature, de phénomènes purement physiques, en faisant complètement abstraction de leur dimension sociale, humaine, psychologique. Or les marchés sont régis et gouvernés par des hommes, et par personne d’autre », explique le chercheur.

L’essai, qui devrait sortir au premier semestre 2010, est ambitieux. Il se donne pour mission de discerner, parmi les débris de la pensée économique, de nouvelles lignes de reconstruction. 

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