Goodluck Jonathan : le Monsieur Loyal du pays

Goodluck Jonathan pourrait succéder au chef de l’État, hospitalisé depuis novembre. Mais le vice-président est prudent. Il ne montre aucune intention d’être calife à la place du calife.

Publié le 29 décembre 2009 Lecture : 3 minutes.

Goodluck Jonathan, le vice-président du Nigeria, maîtrise l’art de faire comme si de rien n’était. Le 15 décembre, il a inauguré le 15e sommet économique national, à Abuja. Une réunion où l’on discute sur la prospérité future du premier producteur d’or noir du continent. Utile, peut-être. Mais aujourd’hui, les préoccupations des 145 millions de Nigérians sont ailleurs.

Ils s’interrogent sur la santé du chef de l’État. Depuis le 23 novembre, Umaru Yar’Adua est soigné à Djeddah, en Arabie saoudite. Ses porte-parole parlent d’une « péricardite aiguë ». En clair, une inflammation de la membrane qui entoure le cœur. Est-ce grave, docteur ? La population s’inquiète, le président est un habitué des séjours à l’hôpital. Rentrera-t-il à Abuja ? Se présentera-t-il à l’élection de 2011 ? Va-t-il démissionner avant et céder son fauteuil à son numéro deux ? Principal intéressé, Goodluck Ebele Jonathan esquive. Ce qui compte aujourd’hui, c’est le développement du Nigeria, répète-t-il à l’envi. 

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Sage, il attend son heure

À 52 ans, ce docteur en zoologie, visage tout en rondeurs et regard caressant, pourrait avoir l’occasion de diriger le pays le plus peuplé d’Afrique. L’article 144 de la Constitution prévoit qu’en cas d’incapacité du chef de l’État c’est le vice-président qui lui succède jusqu’à la fin du mandat.

Mais plutôt que d’occuper le terrain pour se rendre indispensable avant le retour du grand absent, Goodluck Jonathan veut se distinguer par sa loyauté. À la moindre occasion, il appelle à la prière – il est chrétien – pour le prompt rétablissement de Yar’Adua. Il ne prend pas de décisions majeures, n’organise pas de grands rassemblements. Surtout, ne pas donner l’impression de vouloir être calife à la place du calife…

En homme sage, il attend son heure. Il a réussi ainsi jusqu’à présent. Il ne s’appelle pas Goodluck – « bonne fortune » – pour rien. Membre du People’s Democratic Party (PDP) au pouvoir, l’ancien étudiant de l’université de Port Harcourt (sud du pays) est entré en politique il y a à peine dix ans, en 1999. Cette année-là, il est élu vice-­­gou­verneur de Bayelsa, un État pétrolier du sud du pays, d’où il est originaire. Six ans plus tard, Diepreye Alamieyeseigha, le gouverneur, est arrêté pour détournement de deniers publics. Comme le prévoit la loi, Goodluck Jonathan le remplace. Le malheur des uns fait le bonheur des autres… 

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Le bon casting

Avec Yar’Adua, Jonathan en fera peut-être de nouveau l’expérience. Les deux hommes entretiennent de bonnes relations. Ils ne se connaissaient guère avant la campagne présidentielle de 2007. En réalité, c’est l’ancien chef de l’État Olusegun Obasanjo qui a concocté le « ticket » du PDP : selon la règle non écrite de l’alternance, il fallait un président musulman du Nord et un vice-président chrétien du Sud. Et, si possible, deux personnalités discrètes pour permettre à Obasanjo de continuer à tirer les ficelles. Umaru Yar’Adua et Goodluck Jonathan correspondaient au casting. Ce dernier avait une qualité supplémentaire : il est membre de l’ethnie ijaw, qui alimente en rebelles les milices du delta du Niger. Réclamant une meilleure répartition des recettes pétrolières à coups d’enlèvements et de sabotage d’installations, elles sèment la terreur dans le sud ­du Nigeria et amputent chaque jour la production pétrolière de plusieurs centaines de milliers de barils.

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De par ses origines, Jonathan a eu des facilités pour entreprendre des négociations secrètes, à Abuja et dans la région du delta, avec les leaders des mouvements rebelles. Certains ont accepté de déposer les armes début octobre en échange d’une amnistie, mais la bonne étoile de Jonathan n’a pas encore permis de mettre fin à la rébellion.

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