A chacun son ENA

Au moment des indépendances, plusieurs pays ont créé leur propre École nationale d’administration. C’est parfois une première étape avant Strasbourg.

Publié le 30 décembre 2009 Lecture : 2 minutes.

L’ENA mène à… l’ENA : avant de franchir la grille de l’ancienne prison Sainte-Marguerite, un grand nombre d’élèves africains ont suivi les cours de l’ENA de leur pays. Comme Massamba Dieng : économiste planificateur au ministère sénégalais des Finances (voir reportage). Aujourd’hui sur les bancs à Strasbourg, il est un ancien de l’ENA de Dakar.

Maroc, Tunisie, Algérie, Bénin, Côte d’Ivoire, Cameroun, Madagascar… La plupart des pays du continent ont leur école d’administration. En plus des subtilités des collectivités locales et de la réforme de l’État, on y enseigne parfois la magistrature (c’est le cas au Bénin et au Cameroun). L’ENA française entretient surtout des relations avec les ENA du Maghreb. Au sud du Sahara, les liens sont plus ténus et ponctuels.

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Ces institutions ont été créées lors des indépendances. Objectif : donner naissance à une élite nationale que le colonisateur s’employait à former au sein de l’École nationale de la France d’outre-mer. Émir Abdelkader : en Algérie, la première promotion de l’ENA – créée en 1964 – portait le nom du héros de la résistance à l’invasion française.

Mais les écoles nationales ne se sont pas toujours substituées à la rue de l’Université (dans le 7e arrondissement parisien, site de l’ENA avant sa délocalisation à Strasbourg). Les diplômés des ENA africaines viennent y chercher un enseignement plus généraliste, qui leur permet d’avoir « un angle d’attaque pour tous les sujets », selon l’un d’eux. « Quand on sort tous de l’École nationale d’administration et de magistrature (Enam), on a besoin de se distinguer par une référence additionnelle », explique de son côté un ancien de l’institution camerounaise.

Les réputations sont diverses. L’Enam de Yaoundé fournit des contingents d’élèves à l’ENA française et forme ­l’élite nationale. Celles d’Alger et de Dakar aussi, qui accueillent des étudiants de tout le continent. Parmi leurs anciens élèves : Ahmed Ouyahia, l’actuel Premier ministre algérien, et Mamadou Lamine Loum, ex-Premier ministre sénégalais. 

Fortunes diverses

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D’autres ENA ont la vie moins rose. En 1960, l’Enda (« D » pour « droit ») de Kinshasa était une institution prestigieuse. Elle a donné au pays un Étienne Tshisekedi – opposant au maréchal Mobutu et éphémère Premier ministre –, un Mabika Kalanda – l’un des premiers intellectuels de la période ­postindépendance – et de nombreux professeurs d’université. En 1971, elle a été supprimée. Pour renaître trente-cinq ans plus tard, avec de notables changements : l’enseignement du droit ne fait plus partie de ses prérogatives, et les élèves sont surtout des fonctionnaires déjà expérimentés qui bénéficient d’une formation continue. Mais la plus ­grande différence, c’est la dotation. Créée en 2007, l’ENA de Kinshasa n’accueille aujourd’hui aucun élève. Jusqu’en 2009, elle a bénéficié du soutien financier de la Public Administration Leadership and Management Academy (Palama), en Afrique du Sud, qui lui a permis de former 1 118 fonctionnaires. Depuis, les budgets sont insuffisants pour accueillir une promotion. La directrice, Gertrude Ekombe, a dû refuser des propositions de voyages d’études – notamment à l’ENA en France – faute de moyens. « Tant que les fonctionnaires n’auront pas de formation requise, nous n’aurons pas de bonne gouvernance », regrette-t-elle.

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