Abdelhadi Boutaleb, un homme d’exception

Publié le 21 décembre 2009 Lecture : 2 minutes.

Abdelhadi Boutaleb, qui s’est éteint le 16 décembre, à 86 ans, dans un hôpital de Rabat, a occupé une place à part dans la classe politique marocaine. Sans se trahir, il a emprunté des chemins contrastés et joué des rôles qui, généralement, s’excluent.

Plus jeune lauréat de l’université Al-Qarawiyine, il est alim (« ouléma ») à 23 ans. Mohammed V lui confie la formation du prince héritier, au Collège royal. Apparemment, Hassan II n’a pas eu à s’en plaindre, puisqu’il lui assignera la même tâche pour son fils aîné. Plus tard, le fqih Boutaleb enseignera le droit constitutionnel à l’université. Dans les années 1940, il est parmi les fondateurs du Parti démocratique et de l’indépendance (PDI) qui s’affirme, à côté de l’Istiqlal, en affichant un certain modernisme. Directeur du quotidien Al-Raï Al-Aam (« opinion publique »), il écrit une chronique qui compte dans le combat nationaliste. En 1955, il fait partie de la délégation qui négocie avec la France le retour d’exil du roi Mohammed V et l’abrogation du protectorat. Il siégera dans le premier gouvernement de la libération. En 1959, on le trouve parmi les fondateurs de l’Union nationale des forces populaires (UNFP), en compagnie des Ben Barka, Bouabid, et autres ­Youssoufi. Il s’en éloigne pour rejoindre, en 1963, le « parti du roi ». Opportunisme ? Lucidité ? « C’est notre sectarisme qui a provoqué son départ », reconnaissait Ben Barka.

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Désormais Boutaleb sera, avec Driss Slaoui et Ahmed Réda Guédira, l’un des principaux collaborateurs de Hassan II. Que ce soit l’Information, l’Éducation, la Justice, les Affaires étrangères, il dirige avec une égale compétence différents ministères. Son savoir-faire diplomatique est reconnu par tous, et Hassan II lui confie des ambassades stratégiques à Damas ou à Washington.

Différence féconde

Au cœur d’un système de pouvoir absolu, Boutaleb a su cultiver non pas la contestation, qu’il jugeait stérile, mais une différence féconde. Homme de culture, il avait son point de vue et le disait. Ministre de l’Éducation, il s’oppose au tout puissant général Oufkir, son collègue de l’Intérieur, dont les sbires envahissent l’université. Avec Hassan II, l’entente est parsemée de ruptures. La cause ne varie pas : le franc-parler du fqih devant son (ancien) royal élève. La disgrâce prend toujours fin. La raison est la même : Hassan II ne peut se passer de son professeur.

Au début du règne de Mohammed VI, Boutaleb était resté conseiller du nouveau roi, avant de s’éloigner pour une retraite très active. Il a beaucoup écrit : des chroniques dans la presse arabe, des essais, ses Mémoires. Dans ses conférences, l’érudit plaidait pour un islam des Lumières. Il était ainsi devenu le maître à penser des nouvelles générations, des femmes surtout. « Sid el-Hadi » a eu, comme on dit, une belle mort, travaillant pratiquement jusqu’au dernier jour. Il y a quelques mois, à un visiteur qui l’interrogeait sur sa santé, il avait répondu, en désignant sa main qui tenait un stylo : « Tant que je m’en sers, ça va. » À un autre mal en point, il avait proposé, en riant, ce « pacte » : « Pas un mot, ni toi ni moi, sur notre santé. Parlons de tout le reste. » 

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