Un président seul contre tous
Andry Rajoelina est plus que jamais isolé. Après s’être aliéné une partie de ses partisans, il a fédéré contre lui l’ensemble de la classe politique.
Il semble loin, le temps où Andry Rajoelina prenait des bains de foule quotidiens sur la place de l’Indépendance. L’ancien DJ voulait faire de la politique autrement, clamait-il alors – et les milliers de manifestants y croyaient. C’était en janvier et février derniers. Avant qu’il ne s’installe dans le fauteuil de Ravalomanana…
À Antananarivo, la ville qui l’a porté au sommet, sa cote de popularité est aujourd’hui au plus bas. « Il ne reste plus guère que les midinettes pour continuer à l’aduler », sourit un observateur. « Les gens le voient désormais comme les autres politiques, pas mieux que Ravalomanana, Zafy ou Ratsiraka », ajoute Anita, une assistante sociale qui dit faire partie des « déçus » de la transition.
Plus que jamais, l’ancien maire de la capitale semble isolé. Après la signature le 6 novembre de l’acte additionnel d’Addis-Abeba, le document censé sceller le consensus mais qui a jeté le trouble dans son propre camp, Rajoelina s’est aliéné une partie de ses soutiens politiques.
Si certains des « dinosaures » qui l’ont accompagné depuis janvier continuent de le conseiller, ceux qui représentent la nouvelle génération des hommes politiques ont déserté. Roland Ratsiraka, neveu de l’ancien président, dont le soutien en janvier avait donné un second souffle à l’insurrection, ne revendique plus son titre de vice-président de la Haute Autorité de la transition (HAT).
Quant à Monja Roindefo, le Premier ministre dont Rajoelina a dû se séparer après Addis-Abeba, il ne reconnaît même plus la transition. En public, il ne veut pas accabler son ancien compagnon de lutte, préférant pointer du doigt « la communauté internationale qui, par facilité ou fainéantise, a remis sur pied Zafy et Ratsiraka ». Mais en privé, il stigmatise des choix contraires « aux sacrifices des gens qui sont descendus dans la rue ».
Après Addis-Abeba, analyse un ancien collaborateur de Rajoelina, le jeune président « s’est enfermé dans une tour d’ivoire avec une poignée de fidèles, parmi lesquels des journalistes qui ne maîtrisent pas les règles du jeu politique ».
Alliance de ses ennemis
En refusant de céder certains ministères aux autres mouvances et en négligeant les deux coprésidents nommés en Éthiopie, il a réussi à fédérer ses adversaires contre lui. Le rapprochement entre Ravalomanana et Ratsiraka, les deux ex-ennemis jurés, date d’Addis-Abeba. Mais jusqu’à la fin novembre, Rajoelina pouvait compter sur Albert Zafy, désireux de se situer au-dessus des querelles partisanes. Ce soutien a fait long feu : la décision d’Andry Rajoelina de convoquer un Conseil des ministres fin novembre alors que les mouvances ne s’étaient pas encore entendues sur la composition du gouvernement a fini par exaspérer Zafy.
Le président mozambicain, Armando Guebuza, a bien tenté de renouer le dialogue en invitant les quatre mouvances à se retrouver une troisième fois à Maputo. Mais Rajoelina a refusé. « C’est une honte pour le pays que de devoir se réunir à l’étranger pour former un gouvernement », argue son conseiller, Norbert Ratsirahonana, qui estime que son camp a fait « suffisamment de concessions ».
Réunies du 4 au 9 décembre, les trois autres mouvances se sont donc entendues en son absence sur la répartition des portefeuilles ministériels et ont redéfini l’application des accords de Maputo et d’Addis-Abeba. Pour Rajoelina, il s’agit ni plus ni moins d’un « coup d’État ». Dans son entourage, on estime que les trois mouvances veulent désormais « éliminer Rajoelina » et mener ensemble – comble du paradoxe – la transition sans lui.
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