Guinée : nouvelle donne pour Vale et Rio Tinto

Le premier est un allié de BSGR sur le mont Simandou, le second son concurrent direct. Mais tous deux peuvent tirer parti des soupçons de corruption qui planent sur le groupe minier israélien.

Pour Rio Tinto, exproprié sous Lansana Conté au profit de BSGR, c’est une revanche… DR

Pour Rio Tinto, exproprié sous Lansana Conté au profit de BSGR, c’est une revanche… DR

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 21 mai 2013 Lecture : 3 minutes.

Tout droit sortie d’un mauvais roman policier, l’affaire Cilins-BSGR est prise au sérieux par les miniers familiers du pays. Frédéric Cilins, un Franco-Israélien arrêté aux États-Unis le 14 avril, est accusé d’avoir voulu détruire des documents prouvant le versement d’environ 2 millions de dollars (1,5 million d’euros) de pots-de-vin via Mamadie Touré, la quatrième épouse de l’ex-président guinéen Lansana Conté. Objectif de la transaction : l’octroi à BSGR – qui précise que Frédéric Cilins ne travaille pas pour lui -, finalisé fin 2008, de licences minières au mont Simandou (blocs nord 1 et 2 et bloc sud de Zogota).

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De quoi faire frémir Vale, le géant brésilien qui s’est associé fin 2009 à BSGR pour développer les projets du Simandou, versant 2,5 milliards de dollars à cet effet, malgré les doutes qu’émettaient déjà les professionnels du secteur. Fondé par le diamantaire israélien Beny Steinmetz, BSGR était inexpérimenté dans le fer. « Vale était alors dirigé par Roger Agnelli, un personnage flamboyant, aimant prendre des risques, qui s’est montré peu regardant sur son partenaire », se souvient une source européenne installée à l’époque en Guinée.

Enlisement

Vale, qui n’est pas mis en cause, pourrait utiliser les difficultés de BSGR pour quitter le pays. Murilo Ferreira, son patron depuis mai 2011, est plus prudent que son prédécesseur : il s’inquiète de la baisse des cours du fer et se montre soucieux de privilégier les projets brésiliens. Après l’enlisement des négociations avec Conakry et la grave émeute de Zogota en août 2012 (la répression de l’armée a fait cinq morts), Vale a gelé, à la fin de l’année dernière, ses activités en Guinée. Et a refusé de verser à BSGR un complément de 180 millions de dollars prévu contractuellement, invoquant un « cas de force majeure ». « Vale va sans doute chercher à annuler son contrat avec le groupe israélien et demander son remboursement et le paiement de dommages et intérêts », estime un avocat occidental proche du dossier.

Vale, qui a gelé ses activités en Guinée en 2012, pourrait en profiter pour quitter le pays.

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Seconde possibilité, relayée par un avocat d’affaires proche de Vale : profiter d’une éventuelle annulation des licences de son partenaire pour les négocier avec Conakry. « Selon le droit guinéen, l’État ne pourrait, après un retrait de permis à BSGR pour corruption, les réattribuer de gré à gré à Vale. Il serait obligé de lancer un nouvel appel d’offres », estime un autre avocat, qui ajoute : « Et compte tenu du désengagement actuel du groupe brésilien, il est peu probable que celui-ci y réponde. »

Sourdine

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Pour Rio Tinto, l’affaire Cilins-BSGR sonne à l’inverse comme une revanche. Entre 2008 et 2010, le groupe a clamé ses droits sur les licences d’exploration de BSGR, dont il avait été exproprié par le régime de Lansana Conté. « Mais là encore, il y a peu de chances qu’il souhaite se repositionner sur ces gisements, affirme le même avocat. Rio Tinto a accepté de payer à la Guinée 700 millions de dollars pour que ses activités sur les blocs 3 et 4 du Simandou ne soient pas gelées et que les nouvelles autorités lui accordent les concessions attenantes. Et il avait mis en sourdine ses récriminations sur les blocs 1 et 2. On le voit mal payer de nouveau une somme importante pour ses licences perdues. »

L’affaire met toutefois le groupe australien dans une position de force vis-à-vis des autorités guinéennes dans ses négociations actuelles autour des infrastructures, dont le premier round s’est achevé à Abou Dhabi mi-avril. « Le gouvernement, qui souhaitait confier la gestion de la ligne ferroviaire minière de 670 km à AIOG [African Iron Ore Company, NDLR], une société mal connue, pourrait revoir sa copie et laisser plus de place à Rio Tinto dans la maîtrise du rail », indique l’avocat.

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