Togo-France : les dessous d’une expulsion

Christophe Boisbouvier

Publié le 16 décembre 2009 Lecture : 2 minutes.

Au départ, les Français n’y ont pas cru. Le 30 novembre, quand Koffi Esaw, le ministre togolais des Affaires étrangères, a convoqué l’ambassadeur de France à Lomé pour lui annoncer que son premier secrétaire, Éric Bosc, allait être expulsé, Dominique Renaux a joué les saint Thomas : « Monsieur le ministre, il me faudrait un document écrit. » Sous entendu : « Chiche ! » Mais les Togolais ont relevé le défi. Le 4 décembre, un arrêté d’expulsion est arrivé sur le bureau de l’ambassadeur.

Éric Bosc avait deux semaines pour faire ses valises. Une première depuis l’indépendance du Togo. Une claque pour Paris. La preuve : aussitôt, la France a « demandé le départ » d’un diplomate togolais « par mesure de réciprocité ». Officiellement, les Togolais reprochent à Bosc d’avoir mené « des activités incompatibles avec son statut de diplomate », c’est-à-dire d’avoir fréquenté de trop près les candidats de l’opposition qui battent campagne en vue de la présidentielle de février 2010. Un proche du président Faure Gnassingbé commente : « J’ai cru comprendre qu’il était ami avec un certain candidat franco-togolais », sous-entendu Kofi Yamgnane. « S’ils se rendent visite à leur domicile, il n’y a pas de problème. Mais s’ils affichent publiquement leur amitié, ça ne va plus. » Le 28 novembre, dans le quartier Bè à Lomé, Éric Bosc a assisté au départ d’une manifestation où figuraient tous les ténors de l’opposition, dont Kofi Yamgnane. Deux jours plus tard, le premier secrétaire apprenait son expulsion.

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Pour la défense de son diplomate, la France réplique qu’il « n’a pas outrepassé sa mission » et qu’il a fait preuve d’un « grand professionnalisme dans ses contacts avec tous les partis légaux ». De fait, dans ses fonctions de premier secrétaire chargé du suivi de la politique intérieure togolaise, Éric Bosc assistait à toutes les manifestations politiques – celles de l’opposition comme celles du Rassemblement du peuple togolais (RPT), le parti au pouvoir. Du coup, certains se demandent à Lomé si cette affaire ne cache pas une certaine fébrilité dans le camp de Faure Gnassingbé. Kofi Yamgnane est né à Bassar, dans le Nord. Il peut donc prendre des voix au président sortant dans son fief.

Aux législatives de 2007, et même si ce scrutin n’est pas l’exact reflet du prochain, le RPT a obtenu moins de voix que les deux principaux partis d’opposition réunis : 922 000 contre 1 059 000. Si Gilchrist Olympio se présente, la partie pourrait être serrée. Or, du point de vue de Faure Gnassingbé, Nicolas Sarkozy n’est pas un ami aussi sûr que Jacques Chirac. En 2005, il avait qualifié la présidentielle togolaise de « mascarade ». Depuis son arrivée au pouvoir, le président français s’est personnellement impliqué en faveur d’une candidature Olympio. Il l’a fait recevoir à deux reprises : par Alain Joyandet, le secrétaire d’État chargé de la Coopération, en septembre 2008, et par son conseiller Bruno Joubert, en février 2009. Commentaire d’un diplomate à Paris : « Avec l’expulsion de Bosc, Lomé pourrait bien nous lancer un avertissement sur le thème : “Ne vous intéressez pas trop à la prochaine présidentielle.” »

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