Malédiction kaki


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Publié le 14 décembre 2009 Lecture : 2 minutes.

« En Afrique, le pouvoir, ça se prend et ça ne se rend pas », a dit un jour feu Omar Bongo Ondimba. De fait, rares sont les putschistes du continent, (citons tout de même Amadou Toumani Touré et Ely Ould Mohamed Vall) à avoir démenti cette formule. Mais quand, le 23 décembre 2008, le monde a découvert le visage du nouvel homme fort de Guinée, le capitaine Moussa Dadis Camara, on lui accorda généreusement le bénéfice du doute. Le pouvoir était à prendre, et il suffisait de se baisser pour le ramasser. Il fut le plus prompt. Ses acolytes, les membres du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) – les putschistes raffolent des termes « démocratie », « justice », « développement »… –, déclaraient vouloir éradiquer les fléaux qui minaient le pays.

Dans l’interview qu’il nous a accordée au lendemain du coup d’État (voir J.A. n° 2504), Dadis avait formulé une demande : « Qu’on nous juge sur nos actes au lieu de nous rejeter sans nous connaître. Loin d’être des aventuriers, nous sommes des hommes sérieux. […] Nous allons respecter les droits de l’homme, les règles de l’État de droit et les exigences de la bonne gouvernance. » Un an plus tard, il faut se rendre à l’évidence et prendre Dadis au mot : non seulement les promesses n’ont pas été tenues mais le massacre du 28 septembre 2009 et les règlements de comptes qui ont abouti à la « mise hors service » du capitaine ont révélé le vrai visage de cette junte.

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Aujourd’hui, c’est le général Sékouba Konaté qui détient les rênes du pays. Un homme que ses proches décrivent volontiers comme quelqu’un qui n’aurait que peu de goût pour le pouvoir. Vieille antienne que nous ressassent tous les putschistes… Ses premières déclarations, comme celles de Dadis en son temps, suscitent ici et là l’optimisme. L’homme semble sincère et moins « perturbé » que celui dont il assure le mystérieux intérim. Mais les Guinéens ont trop longtemps souffert de ces sauveurs en treillis qui, à peine intronisés, se métamorphosent en dictateurs pour se jeter une nouvelle fois dans les bras d’un militaire. La malédiction kaki – qui veut que ces gradés cèdent systématiquement aux sirènes du pouvoir et de l’argent pour rejoindre les rangs fournis des prédateurs qui se livrent depuis l’indépendance à cette effrayante curée que subit la Guinée – doit être conjurée. Encore faut-il que, face à eux, l’opposition, dont aucun leader ne suscite d’adhésion générale susceptible de transcender les clivages ethniques ou régionaux, daigne enfin s’unir pour peser sur les débats et en finisse avec la guerre des ego et l’attentisme. Le pouvoir ne tombe pas du ciel, il se prend…

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