Les noces du jazz et de l’Orient
Dans son album The Astounding Eyes of Rita, le musicien tunisien Anouar Brahem offre au oud un nouveau champ de possibilités. Sensuel et mystérieux.
L’instrument roi de la musique arabe a une chance inouïe d’être tombé un jour dans les mains d’Anouar Brahem. Le musicien tunisien sait donner à ce luth au ventre rebondi des élans de liberté absolue. Cet instrument, il l’a découvert d’abord à la radio et à la télévision. « Je lui trouvais une certaine beauté, aussi bien d’un point de vue visuel qu’au niveau de sa sonorité », se souvient le musicien.
À 10 ans, il fréquente le Conservatoire national de musique de Tunis, où il suit les enseignements d’Ali Sriti (1919-2007), un compositeur respecté. Il aurait pu devenir un interprète de plus de la musique savante arabe, dont il connaît tous les raffinements. C’était sans compter avec cette fibre de curiosité, cet appétit de liberté qui brûle en lui, l’incitant à s’ouvrir, à tendre l’oreille vers d’autres contrées musicales. Né en 1957 à Halfaouine, dans la médina de Tunis, fils d’un artisan graveur et imprimeur, Anouar Brahem suit donc d’abord sagement et avec application l’enseignement du maître. Même après ses années de conservatoire, il continue à se rendre chez lui, quatre années durant.
Nomadisme musical
Puis le jazz lui fait un appel du pied. Il devient persuadé que cette musique et le oud ont quelque chose à partager. Il rejoint la vaste tribu de ces musiciens aimant à provoquer des rapprochements, des combinaisons libres regroupées sous l’étiquette, forcément réductrice et vague, de « world jazz ». Il appartient à cette grande famille universelle des artistes qui inventent des passerelles et sont enclins au nomadisme musical.
On l’a vu fréquenter les saxophonistes François Jeanneau, Jan Garbarek et John Surman, et le contrebassiste Jean-Paul Celea. Ou être l’invité, en France, de l’Orchestre national de jazz (ONJ), dirigé par le violoncelliste Paolo Damiani. Anouar Brahem se dit attiré par le flamenco, la musique classique indienne ou celle de la Renaissance, mais sa relation privilégiée avec le jazz est évidente. Sans oublier bien sûr sa première source, la musique orientale. « Je suis né dans la musique traditionnelle, mais j’ai été en même temps toujours très curieux de ce qui m’entoure. » Anouar Brahem a besoin de tout cela à la fois, confie-t-il.
Faisant suite au Voyage de Sahar (2005), The Astounding Eyes of Rita est dédié à l’écrivain et poète palestinien Mahmoud Darwich (1941-2008). Le titre de cet album renvoie à l’un de ses poèmes, Rita et le fusil, qu’avait adapté le chanteur libanais Marcel Khalifé. Cet album met à nouveau en lumière l’art et l’évidence avec lesquels Anouar Brahem sait croiser les langages de traditions orientales et du jazz. Entouré d’un trio remarquable (l’Allemand Klaus Gesing à la clarinette basse, le bassiste suédois Björn Meyer et le percussionniste libanais Khaled Yassine), Anouar Brahem invente une musique qui vibre telle une réponse au chaos du monde. Sereine, sensuelle, mystérieuse.
Anouar Brahem se produira le 9 décembre à Paris (salle Pleyel).
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