Sauvé de l’oubli

Renaud de Rochebrune

Publié le 8 décembre 2009 Lecture : 1 minute.

Ce film, la seule copie de travail du réalisateur, aura mis ­quarante ans à trouver des écrans pour être projeté. Tourné en 1969 par un émigré tunisien, Marc Scialom, avec le soutien du cinéaste Chris Marker, il avait été jugé à l’époque trop peu politique pour mériter d’être terminé et distribué. Ce qui, aujourd’hui, paraît incroyable. Car si Lettre à la prison n’est certes pas une œuvre militante comme on les aimait à l’époque, il s’agit non seulement d’un film magnifique d’un point de vue formel et poétique, mais aussi d’un témoignage remarquable sur l’exil et l’émigration.

Il raconte, avec des images en noir et blanc qui rappellent celles des films néoréalistes italiens des années 1940 et 1950, l’arrivée et le séjour en ­France d’un jeune Tunisien chargé par sa famille d’aller voir son frère incarcéré en France à la suite d’un crime passionnel qu’il nie avoir commis. En suivant les vicissitudes de son parcours, pendant lequel il reporte toujours à plus tard sa visite à la prison, le spectateur vit une expérience intense, celle d’un homme qui éprouve l’étrangeté de l’existence des déracinés.

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Cette fiction tournée entre Tunis et Marseille peut parfois se voir comme un documentaire et apparaît aujourd’hui visionnaire. Elle met au premier plan sans aucun didactisme les problèmes d’identité, et ce, bien avant qu’on ait commencé à les considérer comme un sujet brûlant. Les images souffrent bien sûr de l’état de la copie malgré sa restauration : certaines sont abîmées, d’autres rayées. Mais la force du récit et le style de la réalisation font vite oublier cette trace du destin peu banal d’un long-métrage qui était voué à la disparition et que la fille du cinéaste a heureusement « ­ressuscité ».

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