Mahamat-Adoum Ismaël : « Tout est à reconstruire »
Porté par une réputation de redresseur d’entreprises, le patron des patrons tchadiens vient d’être appelé au chevet de la CotonTchad.
Les 2,5 millions de Tchadiens qui vivent du coton auront à cœur de suivre Mahamat-Adoum Ismaël, le tout nouveau PDG de la CotonTchad, détenue à 75 % par l’État. Ce cinquantenaire jovial et direct, président du Conseil national du patronat tchadien, est lucide sur ce qui l’attend. « Les cours de l’or blanc sont au plus bas, plus de 50 % de l’outil industriel ne fonctionne pas, le déficit de l’entreprise est abyssal, le parc logistique en mauvais état… Tout est à reconstruire pour redonner confiance aux partenaires, aux paysans et aux salariés », énumère-t-il. Malgré tout, il est fier de relever le défi : « Qu’on me demande de participer à la relève d’une entreprise aussi importante pour mon pays est une marque de confiance. On a beaucoup parlé du pétrole tchadien, mais le coton joue un rôle essentiel dans notre économie. »
Capitaine d’industrie aujourd’hui, il est le fils d’un agriculteur originaire du Bahr el-Ghazal (au nord-est de N’Djamena). Passé par l’École nationale d’administration tchadienne, il décroche ensuite un doctorat de droit en France. De retour au pays, en 1984, Mahamat Ismaël entame un parcours dans la haute fonction publique à la Société tchadienne d’eau et d’électricité, dont il devient le directeur général en 1986. L’expérience lui laisse un souvenir frustrant : « Nous allions mettre en place un plan d’entreprise validé par les bailleurs de fonds quand le gouvernement m’a brutalement remercié. » Un peu trop pressé de vouloir aboutir, l’homme s’est créé des inimitiés. « Je suis tout le temps derrière tout le monde, je ne sais pas faire dans la demi-mesure », reconnaît-il.
Retour au pays
Après cette expérience difficile, il poursuit sa carrière au ministère de l’Éducation nationale avant de quitter de nouveau son pays, en 1991, pour être expert auprès du secrétariat UE-ACP, à Bruxelles. En 2001, il est contacté par le groupe agro-industriel français Somdiaa (sucre et farine), qui a racheté la Compagnie sucrière du Tchad (CST) lors de sa privatisation en 2000. L’héritière de l’ancienne société nationale Sonasut est au plus mal. Le repreneur cherche un directeur général capable de la redresser. Heureux de rentrer chez lui, Mahamat Ismaël, qui ne connaît guère l’industrie sucrière, accepte l’offre. « À l’époque, se souvient-il, l’entreprise était gangrenée par la mal-gouvernance. Du temps de la Sonasut, les nominations étaient faites à la tête du client. Certains cherchaient d’abord à se remplir les poches, et on laissait faire. Il n’y avait pas de stratégie car les dirigeants ne restaient jamais longtemps. »
Patiemment, Mahamat Ismaël a réformé la CST pour en faire une entreprise rentable. Sa méthode ? Ni la purge ni le laisser-faire, plutôt une forte responsabilisation du personnel et des investissements massifs pour optimiser la production de canne à sucre. « Quand je suis arrivé, explique-t-il, je n’ai pas cherché à connaître le passé des gens, j’ai voulu partir sur de nouvelles bases et ai misé sur la formation. J’ai dit aux salariés qu’ils ne devaient pas compter sur des appuis extérieurs pour rester dans l’entreprise, mais sur leur implication. Grâce à eux, l’entreprise se porte bien aujourd’hui. » Devenu PDG en 2004, Mahamat Ismaël négocie l’entrée de l’État dans le capital (8,6 %) de la CST. Avec une entreprise de nouveau sur les rails de la rentabilité, Mahamat Ismaël obtient de la BEI, de Proparco et de la DEG un prêt de 14,3 milliards de F CFA (21,8 millions d’euros) pour moderniser les usines de Sarh et de N’Djamena. La production grimpe de 28 000 tonnes de sucre produites en 2000 à 38 000 tonnes en 2009.
Pour le PDG de Somdiaa, Alexandre Vilgrain, la nomination de Mahamat Ismaël à la CotonTchad est la « reconnaissance du travail accompli à la CST ». Ce dernier saura-t-il convaincre les autorités de lui laisser le temps et les moyens pour relever la CotonTchad comme il l’a fait avec la CST ?
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