Libéralisation : vingt ans et une santé de fer

La Tunisie est l’un des rares pays du continent à s’être doté d’une industrie pharmaceutique performante, et aussi rapidement. Ses laboratoires sont-ils prêts à aborder le virage de l’innovation et à passer à la vitesse supérieure ?

Publié le 7 décembre 2009 Lecture : 4 minutes.

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Industrie pharmaceutique en Tunisie : comment faire la différence ?

Sommaire

L’abrogation du monopole d’État et la libéralisation, en 1989, de l’industrie pharmaceutique tunisienne ont permis l’émergence d’une filière performante et compétitive à l’échelle locale et régionale, en adéquation avec les besoins et les intérêts du marché local, et dont les compétences ont attiré les investissements étrangers. Aujourd’hui, le pays compte 41 unités de fabrication (contre 3 en 1989), dont la production couvre plus de la moitié des besoins locaux (contre 8 % en 1989).

La rapide évolution du secteur, en vingt ans, tient d’abord à une volonté politique. En effet, sa libéralisation, dans un contexte économique favorable, a permis de développer une industrie locale fondée sur l’initiative privée et le partenariat. Les incitations aux investissements ont d’abord porté sur une réduction importante des droits de douane concernant l’acquisition d’équipements et sur leur exonération pour l’achat des matières premières, ainsi que sur l’abaissement notable de la TVA, de 16,82 % à 6 %.

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Une batterie de mesures ont permis de dynamiser ce nouveau secteur porteur. Ainsi, très rapidement, les produits fabriqués localement ont été protégés par l’interdiction d’importer des produits équivalents. Les partenariats ont été encouragés par l’ouverture à la sous-traitance entre laboratoires et par la promotion des investissements directs étrangers (IDE). Quant à la vigilance et aux contrôles rigoureux exercés par les différents organismes liés à la Direction de la pharmacie et du médicament (DPM), ils sont le garant de la qualité des produits, et donc des performances du secteur.

Savoir faire et le faire savoir

Les grands groupes ne s’y sont pas trompés et ont rapidement conclu des partenariats économiques et établi des échanges scientifiques avec l’industrie pharmaceutique tunisienne naissante : Pfizer, Sanofi-Aventis, Pierre Fabre, Merck-Serono, BMS-Upsa… Tous, désormais, abordent la Tunisie comme un pôle de fabrication, de distribution, mais aussi d’exportation. Comme une plateforme alliant positionnement géographique privilégié et prestations technologiques à la hauteur.

À cet égard, Kamel Idir, directeur général de la DPM, souligne que « le niveau des médecins et des pharmaciens opérant dans le secteur de l’industrie, en synergie avec les universités, est aussi un facteur déterminant pour les performances de la filière du médicament », qui totalise aujourd’hui quelque 5 000 emplois, contre seulement 450 en 1987.

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Toutefois, l’industrie pharmaceutique reste dépendante des matières premières et molécules, qui sont, pour 70 % d’entre elles, importées d’Europe. Elle doit supporter aussi les coûts de développement et de phases cliniques, indispensables à l’obtention des autorisations de mise sur le marché (AMM). Par ailleurs, bien que la production locale augmente en volume, le volume des importations ne régresse pas pour autant, car la consommation locale ne cesse de croître – portée par une hausse du niveau de vie, de la couverture sanitaire et sociale, et le vieillissement de la population. Résultat : le prix du médicament sur le marché local s’en ressent et reste relativement élevé.

L’arrivée des génériques (voir p. 72) sur le marché et la création de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), en 2007, ont permis une meilleure adéquation entre la demande des patients et l’offre des laboratoires. En effet, le système de couverture sociale – qui, fin 2009, couvrira jusqu’à 95 % des actes et prescriptions – offre au Tunisien un choix de prestations et de remboursements plus efficace pour les patients, qui, en plus, remporte l’adhésion des médecins et des pharmaciens quant au respect des délais de remboursement.

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Des vertus du miel à celles du lait de chamelle

Parvenue à l’âge de la maturité, la filière pharmaceutique tunisienne mise désormais, pour poursuivre son essor, sur le développement des activités à l’exportation, dont la valeur est passée de 8 millions de dinars tunisiens (DT, 4,1 millions d’euros) en 1990 à 363 millions de DT (188,1 millions d’euros) en 2008.

Elle amorce par ailleurs un virage dans la diversification. En effet, anticipant sur la saturation, à moyen terme, du marché des génériques, les laboratoires, publics et privés, ont décidé d’explorer et de développer de nouvelles niches, notamment celles des produits issus de la biotechnologie, sans oublier les créneaux de la parapharmacie et du bien-être, dans lesquels elle a acquis une notoriété internationale.

Précurseurs en la matière, Adwya, le doyen des laboratoires privés tunisiens, lance en partenariat avec Api-ar international (« api » pour apithérapie et « ar » pour aromathérapie) une gamme de compléments alimentaires à base de miel et à orientation thérapeutique de type neutracétiques, Advita, qui seront délivrés sur prescription médicale et qui concernent une patientèle de diabétiques, cardiopathes, et certaines populations fragiles. Des recherches sont également en cours sur les potentialités du lait de chamelle. Et l’avenir est au développement de « foodatreucical » (aliments transformés génétiquement pour soigner ou vacciner) et de « médicaments verts », basés sur les actions thérapeutiques de la flore et de la faune tunisiennes (voir p. 78)… Ce n’est au fond qu’une continuité historique, puisque c’est à ces actions qu’Ibn Jazzar, médecin et pharmacien kairouanais du Xe siècle, avait consacré ses travaux.

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