Israël-Palestine : Mahmoud Abbas doit négocier
Au lieu de rejeter les manœuvres cyniques de Netanyahou, le président de l’Autorité palestinienne serait bien inspiré de prendre au mot le Premier ministre israélien en acceptant de relancer immédiatement le processus de paix, sous le parrainage actif des Américains.
Annoncée le 25 novembre par le Premier ministre de l’État hébreu, Benyamin Netanyahou, l’offre israélienne d’un gel partiel de dix mois de la colonisation en Cisjordanie pour relancer le processus de paix a été rejetée par les Palestiniens, qui exigent un arrêt total. C’est en tout cas la position officielle de Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, et de Saeb Erekat, son négociateur en chef. Il est à espérer que ce ne sera pas leur dernier mot.
Le lendemain de la proposition de Netanyahou, Erekat a déclaré : « Sans un gel total de la colonisation, il ne peut y avoir de négociations ni de reprise du processus de paix crédibles. Illégales au regard du droit international, les colonies font en outre peser une grave menace sur la solution de deux États et vont à l’encontre du principe de “la terre contre la paix”, sur lequel repose tout le processus de paix. Et sans Jérusalem-Est comme capitale, il ne peut y avoir d’État palestinien viable. » Dans le contexte international actuel, on peut se demander si cette position est la meilleure option sur le plan tactique. En rejetant une reprise des négociations sur la base d’un gel partiel de la colonisation, les Palestiniens ne risquent-ils pas de rater une opportunité importante ? En tout cas, s’ils décident de camper sur leurs positions, ils seront assurément rendus responsables du blocage des discussions sur le statut final. Ils risquent également de perdre le soutien inestimable des États-Unis et de la communauté internationale. Dans dix mois, Israël se sentira libre de reprendre la colonisation à grande échelle, clamant qu’il n’a pas de partenaire pour la paix. Dans de telles conditions, les Palestiniens seraient bien avisés de prendre Netanyahou au mot en annonçant qu’ils sont disposés à rouvrir les négociations immédiatement, comme le leur demande l’administration Obama.
Obama reste déterminé
Naturellement, le gel temporaire proposé par Netanyahou ne concerne que les nouvelles implantations en Cisjordanie. Les constructions en cours – trois mille logements – se poursuivront. Sont exclus du gel les bâtiments publics dans les colonies existantes – écoles, synagogues –, le mur de sécurité, ainsi que d’autres structures sécuritaires, mais aussi et surtout Jérusalem-Est, où la colonisation s’est même accélérée. Aucun observateur honnête ne peut nier que la proposition de Netanyahou n’est rien d’autre qu’une manœuvre cynique qui empeste la mauvaise foi. L’objectif du Premier ministre israélien est double : atténuer les pressions américaines et maintenir sa coalition gouvernementale. Et il semble l’avoir atteint, du moins pour le moment. Les États-Unis ont accueilli favorablement sa décision, considérant que c’est un pas dans la bonne direction, et aucune défection n’a été enregistrée au sein de l’extrême droite israélienne, bien que Netanyahou ait eu à faire face, comme cela était prévisible, aux vociférations de quelques colons ultras.
Mais les choses n’en resteront certainement pas là. Barack Obama a peut-être reculé par rapport à sa position initiale – il avait appelé à un gel total de la colonisation – et commis des erreurs tactiques. Il a aussi été détourné du Moyen-Orient par d’autres dossiers urgents comme la réforme de la santé et l’Afghanistan, sans oublier le chômage et la crise financière internationale. Mais il faut garder à l’esprit qu’il demeure totalement engagé en faveur de la solution de deux États. La position américaine a été exprimée par la secrétaire d’État, Hillary Clinton, le jour de l’annonce de Netanyahou et a été reprise mot pour mot par l’émissaire spécial d’Obama au Proche-Orient, George Mitchell, lors d’une rencontre avec la presse quelques heures plus tard. Le passage clé de la déclaration de Hillary Clinton est le suivant : « Nous avons la conviction qu’à travers des discussions de bonne foi les parties peuvent se mettre d’accord sur une issue qui mette fin au conflit et réconcilie l’objectif des Palestiniens – avoir un État indépendant et viable sur la base des frontières de 1967 – et celui des Israéliens – un État juif avec des frontières sûres et reconnues qui satisfassent leurs attentes en matière de sécurité. Nous disons aux peuples de la région et au monde que notre détermination à œuvrer en faveur de la solution de deux États vivant côte à côte en paix est inébranlable. »
En attendant Barghouti
Ce qui frappe dans cette importante déclaration, c’est la référence aux frontières de 1967. Mitchell, de son côté, a rappelé la position américaine sur Jérusalem. « La politique des États-Unis, a-t-il déclaré, est claire et demeure inchangée. Comme cela a été répété par les administrations précédentes, le statut de Jérusalem et l’ensemble des questions concernant le statut final doivent être réglés par les deux parties à travers des négociations. » Mais il a ajouté que « les États-Unis désapprouvaient certaines initiatives israéliennes à Jérusalem en matière de logements, comme l’expulsion de Palestiniens de leurs habitations et la destruction de leurs maisons ». Ces déclarations devraient mettre du baume au cœur des Palestiniens. L’affirmation de Mitchell selon laquelle l’objectif des États-Unis est de relancer aussi vite que possible les négociations sur les questions touchant au statut final, en commençant par le règlement de la question des frontières, devrait retenir l’attention des Palestiniens. Mitchell a clairement expliqué que l’Amérique avait à l’esprit des négociations multilatérales : pourparlers directs au plus haut niveau entre les deux parties ; discussions parallèles avec les États-Unis sur les questions clés ; négociations directes à un autre niveau sur les modalités.
Les Palestiniens doivent réagir et tirer le meilleur parti de l’émergence d’Obama – un phénomène extraordinaire sur la scène politique américaine qui n’est pas près de se reproduire. Ils doivent saisir l’initiative américaine à bras-le-corps et, dans le même temps, demander le soutien actif du monde arabe lors des négociations. Car il faut constamment rappeler à Israël les bénéfices immenses qu’il pourrait retirer de l’application de l’Initiative de paix arabe (2002), laquelle prévoit une normalisation des relations entre l’État hébreu et les vingt-deux pays de la Ligue arabe.
D’une certaine manière, on constate une relative décrispation entre Israéliens et Palestiniens. Le ministre israélien de la Défense, Ehoud Barak, a parlé de la nécessité de « parvenir à un processus conduisant à la solution de deux États pour deux peuples afin de mettre fin au conflit et de permettre aux Palestiniens d’avoir un État sans que nos intérêts soient menacés ». Une telle déclaration laisse à penser qu’il y a une certaine évolution au sein du cabinet israélien, où l’on a semble-t-il compris qu’Obama ne plaisantait pas.
En attendant, Marwane Barghouti, une grande figure du Fatah, pourrait être prochainement libéré dans le cadre d’un échange de prisonniers et briguer la présidence palestinienne. Le Premier ministre, Ismaïl Haniyeh, du Hamas, s’est même dit prêt à retirer sa candidature au nom de la réconciliation interpalestinienne. Le mouvement islamiste a du reste tempéré ses positions et semble prêt à accepter un règlement permanent basé sur les frontières de 1967. Quant à Mahmoud Abbas, bien qu’il soit malmené par ses adversaires sur tous les fronts, y compris au sein du Fatah, il devrait surmonter son découragement et frapper un grand coup en annonçant qu’il est prêt à reprendre immédiatement les négociations avec Israël, sous le parrainage actif des Américains.
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