Kpatcha sera-t-il jugé ?
Huit mois après son arrestation pour tentative d’atteinte à la sûreté de l’État, le frère du président Faure Gnassingbé est toujours incarcéré. Pour le moment, le dossier semble figé.
À moins de trois mois de la présidentielle, prévue le 28 février, la fièvre électorale monte au Togo. Lomé, la capitale, est le théâtre régulier de démonstrations de force entre opposition et pouvoir, à travers des manifestations organisées régulièrement, avec en toile de fond un débat sur le retour du scrutin uninominal majoritaire à deux tours.
Loin de toutes ces agitations préélectorales, Kpatcha Gnassingbé, député du Rassemblement du peuple togolais (RPT, au pouvoir) et frère du président, se morfond dans sa cellule de l’Agence nationale des renseignements (ANR), à quelques pas de la nouvelle présidence de Lomé 2. Huit mois se sont écoulés depuis son arrestation pour « tentative d’atteinte à la sûreté de l’État », mais son cas ne semble pas près d’être résolu.
Les observateurs s’accordent à dire que le président togolais devrait régler l’affaire Kpatcha avant la prochaine échéance électorale. Il prend sinon le risque de perdre des voix dans le nord du pays, considéré comme le fief du RPT et, surtout, comme celui de l’ancien ministre de la Défense. « Mais il peut maintenir le cap, et ainsi rester crédible vis-à-vis des Togolais », affirme une source proche du pouvoir.
Pas de conciliation
Une tentative de conciliation informelle, entreprise au début du mois de novembre par l’accusé, a été sanctionnée par un échec. Le pouvoir togolais, via ses avocats désignés dans cette affaire (Mes Gabriel Archange Dossou, bâtonnier du Bénin, Pierre Haïk, du barreau de Paris, Edah N’Djellé et Lionel Sanvee, du barreau de Lomé), s’oppose en effet à un règlement du problème à l’amiable.
Nombreux étaient ceux qui s’attendaient, par ailleurs, à un geste présidentiel à l’égard de l’ancien ministre de la Défense lors des funérailles d’Ernest Gnassingbé, l’aîné de la famille, décédé le 12 novembre dernier, mais là aussi les espoirs se sont très vite dissipés. « Les autorités ne pouvaient pas prendre le risque d’accorder à Kpatcha l’autorisation d’assister aux obsèques de son grand frère à Kara, où il jouit d’une certaine popularité. Cela pouvait encore se concevoir si les cérémonies se déroulaient à Lomé », explique un autre observateur basé dans la capitale togolaise.
Pour Me Djovi Gally, l’un des trois avocats mandatés le 2 novembre par Kpatcha Gnassingbé pour mener une mission de conciliation auprès du chef de l’État, « c’est là la preuve que Faure est décidé à aller jusqu’au bout ».
Au lendemain de l’arrestation de son frère, le président togolais déclarait : « J’ai pris avec le gouvernement toutes les mesures pour que la justice s’exerce avec la plus grande fermeté… » Depuis, la justice ne semble guère avancer sur le dossier. Aucune date n’a encore été fixée pour le procès de Kpatcha et de ses présumés complices, parmi lesquels on compte un autre frère du président et des membres de la famille.
« Il n’y aura pas de procès », affirme Me Djovi Gally, également opposant de longue date du régime de feu Gnassingbé Eyadéma et aujourd’hui conseiller de Gilchrist Olympio (Union des forces de changement). Car, dit-il, « le procès de Kpatcha sera aussi celui de Faure, le cadet ayant été l’un des principaux artisans de la prise de pouvoir par son frère ».
Du côté du pouvoir, on qualifie de « ridicules » ces allégations. « Le président souhaite que le magistrat instructeur avance rapidement et que des remises en liberté provisoire surviennent avant l’élection du 28 février », assure Me Pierre Haïk. « Quant au procès lui-même, ajoute-t-il, il aura bien lieu, mais après l’échéance. »
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