Etats-Unis/Iran : l’impasse

Condamné par l’AIEA pour son programme nucléaire, Téhéran riposte en annonçant la construction de dix nouveaux sites de production d’uranium. Mais ce raidissement ne vise-t-il pas, surtout, à forcer Obama à remettre à plat tous les différends bilatéraux ?

Publié le 9 décembre 2009 Lecture : 4 minutes.

Décidément, ces derniers jours, la question iranienne inspire Bernard Kouchner, le ministre français des Affaires étrangères. Le french doctor relève les symptômes suivants chez la République islamique : désordre au sommet de l’État, absence de communication et rivalité entre les appareils, opposition plus résolue que jamais… Diagnostic : fuite en avant désespérée. Thérapie : sanctions à haute dose. Le malade, le président Mahmoud Ahmadinejad, a réagi – qui l’eût cru ? – avec un certain humour : « Kouchner qui ? Vous parlez bien du ministre des Affaires étrangères ? Il paraît qu’il parle beaucoup, mais qu’en général il ne sait pas ce qu’il dit. »

C’est la résolution de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) votée le 27 novembre qui a exacerbé la crise. Elle condamne l’Iran pour ses activités nucléaires clandestines sur le site de Fordo, près de la ville sainte de Qom. À la fin de septembre, Téhéran avait révélé son existence, brûlant ainsi la politesse aux services de renseignements occidentaux.

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Présenté par les États-Unis et la France avec le soutien de la Russie, le projet de résolution a été approuvé par 25 voix sur les 35 que compte le Conseil des gouverneurs, l’organe exécutif de l’AIEA. La Chine s’est associée à la condamnation. Cuba, la Malaisie et le Venezuela ont voté contre. Le Brésil s’est abstenu. La résolution enjoint au directeur général de saisir le Conseil de sécurité de l’ONU, tâche qui incombe au Japonais Yukiya Amano, le successeur de Mohamed el-Baradei.

Dialogue global

L’Iran choisit la fermeté. Ahmadinejad considère que la résolution de l’AIEA, qui « a subi des pressions », est « illégale ». Le 2 décembre, il annonce que son pays est décidé à produire lui-même de l’uranium enrichi et qu’il construit pas moins de dix sites à cet effet. Inutile, ajoute-t-il, de reprendre le dialogue avec le groupe des six (les cinq membres du Conseil de sécurité de l’ONU plus l’Allemagne). « Pour nous, la question nucléaire est close. »

Il y a deux mois, un compromis semblait pourtant en vue entre l’Iran et la communauté internationale. Ce qu’on a appelé le plan El-Baradei avait été élaboré à l’issue d’une réunion de l’AIEA à Genève. Il offrait à Téhéran d’échanger une grande partie (les deux tiers) de son stock d’uranium faiblement enrichi (à 3,5 %) contre le combustible nucléaire (uranium enrichi à 20 %) dont son réacteur de recherche médical avait besoin. Il revenait à la Russie puis à la France d’assurer la transformation de cet uranium. L’objectif était d’empêcher la République islamique d’obtenir par ses propres moyens la quantité enrichie (à 90 %) nécessaire à la fabrication de la bombe. L’Iran allait néanmoins continuer à enrichir son uranium sur place, à Natanz (centre du pays). L’intérêt de ce plan était surtout de gagner du temps, de manière à créer les conditions d’un « dialogue global » entre Washington et Téhéran.

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Faut-il croire que les Iraniens ont changé d’avis ? Ce n’est pas sûr. Lors de la réunion d’octobre à Genève, c’est William Burns, le sous-secrétaire d’État américain, qui avait affirmé que le représentant de la République islamique avait accepté l’envoi à l’étranger de 1 200 kg d’uranium appauvri. L’intéressé s’était contenté de déclarer qu’on était « sur la bonne voie ». En réalité, les dirigeants iraniens se méfient. Ils craignent que l’uranium envoyé à l’extérieur ne leur soit jamais restitué. Ils rappellent que l’uranium qui doit alimenter un réacteur de recherche construit au temps du chah avait, déjà à l’époque, été commandé et payé à la France, mais jamais livré.

« Cause nationale »

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Des contre-propositions sont donc envisagées : l’expédition de l’uranium se ferait en plusieurs lots, le deuxième n’étant envoyé qu’après réception du premier. Les Iraniens exigent en tout cas des « garanties à 100 % ». L’opposition fait preuve d’une égale vigilance. Mir Hossein Moussavi, le leader des réformateurs, estime que la formule dissimule « un piège ». D’une manière générale, sur la question nucléaire, l’opposition n’est pas moins déterminée que le pouvoir. Pour tous, il s’agit d’une « cause nationale ». En vérité, il semble que si les dirigeants iraniens ne se sont pas empressés d’adhérer au plan El-Baradei, c’est parce que celui-ci allait tout bonnement les priver des outils de négociation et des moyens de pression accumulés depuis des décennies. Leur objectif, à travers leur stratégie nucléaire, est de forcer les États-Unis à traiter avec eux sur un plan global, c’est-à-dire à régler le vaste contentieux en souffrance depuis la révolution de 1979. Or, si Barack Obama a effectivement tendu la main aux ayatollahs, il n’a rien esquissé qui puisse aller dans le sens de l’approche globale souhaitée par Téhéran.

Que va-t-il se passer maintenant ? Contrairement à Paris, Washington continue à afficher la prudence. L’action diplomatique reste à l’ordre du jour, mais d’autres options ne sont pas exclues. De son côté, Ahmadinejad s’interroge sur la « sincérité » du président américain. « Nous avons bien accueilli ses initiatives, déclare-t-il. Nous lui avons adressé des messages. Et, à l’occasion, nous pourrions nous aussi prendre une initiative. » La porte reste ouverte.

Qu’en est-il des nouvelles sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU ? Le vote du 27 novembre à l’AIEA a renforcé la cohésion des six, mais si la Russie, dont les relations avec l’Iran traversent une mauvaise passe, pourrait s’y associer, ce ne sera pas le cas de la Chine, partenaire majeur de l’Iran en matière d’énergie.

Et puis, avec les Iraniens, il ne faut pas exclure, après la ligne dure et l’escalade, des signes d’apaisement et d’ouverture. On ne tardera de toute façon pas à être fixés, puisque Obama s’est donné la fin de l’année comme échéance pour « faire les comptes ».

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