La grande illusion

« Nous ne voulons pas donner du rêve bidon aux jeunes ! », répond Simon-Pierre Mbumbo lorsqu’on lui parle de la noirceur de son ouvrage. L’envie de dire la réalité, celle de l’Afrique, mais aussi celle de l’émigration, est au cœur de la démarche du dessinateur Simon-Pierre Mbumbo et du scénariste Edimo. Ces deux Camerounais vivant en France ont publié une étonnante BD, Malamine, un Africain à Paris, dont la qualité et la portée ont été saluées par une nomination au Festival de Blois, qui s’est tenu du 20 au 22 novembre.

Malamine a émigré en France. Diplômé de la Sorbonne, il survit de petits boulots, ne parvenant pas à décrocher un emploi stable. Il voudrait s’installer en Afrique, mais, hélas, il n’est pas de la « bonne » tribu. Et personne dans sa famille n’imagine qu’un grand savant comme lui puisse ne pas réussir en France… Aigri, il ressasse ses ressentiments et finit par rejoindre un mouvement de défense des Noirs aux méthodes violentes et illégales.

Bic et acrylique

Pour sa capacité à poser finement la réalité contemporaine des immigrés français, le scénario d’Edimo suffirait à faire de Malamine un excellent ouvrage. Mais il y a aussi le dessin de Mbumbo : « Je voulais sortir de cette ligne claire qu’on colle toujours à l’Afrique. Et puis j’ai pensé que j’étais dans les conditions d’un dessinateur qui risque à tout moment d’être renvoyé dans son pays. Alors, j’ai choisi des matériaux pas chers que je peux retrouver là-bas. » Mbumbo a dessiné l’ouvrage avec un stylo bille, du blanco (correcteur liquide) et de l’acrylique. Une technique qui contribue à l’ambiance sombre, un peu polar, de Malamine. Et à faire de cet ouvrage une véritable « BD d’auteur ».