Le blues des architectes

Les talents locaux ne manquent pas dans le métier. Pourtant, les États et métropoles, quand ils s’entourent de professionnels, font appel à des cabinets internationaux. Mais les architectes africains n’ont pas dit leur dernier mot.

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Publié le 1 décembre 2009 Lecture : 4 minutes.

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Quand l’Afrique réinvente ses villes

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Que signifie être architecte aujourd’hui en Afrique ? Souvent, les réponses des professionnels convergent. « C’est, comme sur d’autres continents, celui qui aménage l’espace de vie, mais c’est aussi la plupart du temps quelqu’un qui se sent totalement incompris », dit Alain Koala, patron du cabinet d’architecture AABC et président de l’ordre des architectes du Burkina.

Bien que diverses, les raisons de ce désenchantement découlent toutes du même syndrome : un manque flagrant de reconnaissance sociale. De la part des populations comme des pouvoirs publics. « On nous confie très peu de grands projets, comme des théâtres, des musées ou des grands hôtels », témoigne l’ancienne présidente de l’ordre des architectes du Sénégal, Ramatoulaye Diagne Sall Sao, qui dirige également le cabinet Architectonic. Les gros budgets provenant de financements internationaux sont rarement confiés aux architectes locaux, malgré des règlements stricts précisant que l’on ne peut ériger un bâtiment sans, au moins, y associer un professionnel dûment inscrit à l’Ordre national des architectes du pays concerné.

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Mais cette obligation est souvent contournée. La pratique est bien connue : moyennant finance, on fait signer des documents à un professionnel local, alors qu’il n’a fourni aucun travail sur le projet. « Grâce à ce système, des architectes étrangers peuvent même ouvrir des cabinets au noir, avec l’aval des plus hautes autorités », reprend Ramatoulaye Diagne.

Un simple dessinateur ?

Selon l’Union internationale des architectes (UIA), environ 70 % des honoraires d’architectes perçus dans le monde proviennent de projets africains. Or seulement 10 % de ces revenus iraient dans les mains d’architectes du continent, d’où un malaise grandissant.

Comme souvent, les textes existent, mais ils ne sont pas appliqués. Conséquence : au mieux, les architectes sont démotivés, quand ils ont du travail, car celui-ci est très répétitif : « Toujours les mêmes petites villas ou immeubles de bureaux », dit un architecte ivoirien, le ton las. Au pire, et c’est souvent le cas, ils peinent à joindre les deux bouts. Passionné mais démuni, l’architecte africain est à l’opposé de l’image que la population a de lui… Car le préjugé veut qu’il gagne beaucoup trop d’argent pour un travail souvent comparé à celui de simple « dessinateur ».

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« Le fond du problème, c’est que le travail intellectuel n’est pas valorisé », explique Alain Koala, qui ajoute d’emblée que la plupart des écroulements d’édifices enregistrés dans son pays lors des inondations catastrophiques de septembre 2009 sont imputables à l’habitat non conforme. « Au Burkina, environ 70 % des constructions sont anarchiques », précise-t-il. Autrement dit, les futurs propriétaires rechignent généralement à dépenser entre 6 % et 8 % du coût final de leur maison pour des frais d’architecte. Ce qui n’est pas forcément un calcul économiquement rentable. Un bâtiment bien pensé gagne évidemment en solidité. Mais l’étude préalable permet aussi, dans de nombreux cas, de faire baisser les coûts de construction – ce qui amortit le prix des honoraires de l’architecte. La quantité de matériaux utilisés est adaptée au plus juste à la dimension de l’ouvrage souhaité. Les vices de construction étant moins nombreux, les frais supplémentaires et les imprévus sont moindres. Sans compter qu’un professionnel peut proposer l’utilisation de matériaux moins chers et plus adaptés au climat, ce qui rend l’habitation infiniment plus vivable.

La plupart des architectes ne rêvent que d’une chose : utiliser davantage les techniques bioclimatiques. Celles-ci s’inspirent d’exemples traditionnels pluricentenaires, voire millénaires, comme la construction en terre ou l’ancien système des bâdguirs, utilisé dans la région aride de Yazd, en Iran, qui permet à l’air de circuler en se refroidissant au contact d’une pièce d’eau centrale.

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À la fois Créateurs, techniciens et économistes

L’architecte zimbabwéen Mick Pearce est même devenu une star de l’éco-construction en observant… des termites. En 1996, dans le centre de Harare, il a conçu sur le modèle de la termitière un immeuble de bureaux sans climatisation. Dénommé East­gate, il ne consomme que 65 % de l’énergie d’un bâtiment classique de même dimension, pour un coût de construction de 10 % inférieur. Pearce a depuis perfectionné cette approche et inauguré, en 2009, Council House 2, le nouveau Parlement de Melbourne, en Australie, qui permet une réduction de la facture d’énergie de 80 %.

Malgré les problèmes qu’ils rencontrent, les architectes sont optimistes. Ils s’organisent et réussissent de plus en plus à faire entendre leur voix. « L’UIA ou l’Union des architectes africains (UAA) jouent ce rôle de plus en plus efficacement », confirme Jean-Jacques Kotto, qui vient d’ouvrir une école d’architecture à Douala (voir encadré ci-dessous). Grâce à ces organismes, les présidents des différents ordres d’architecture des États africains se rencontrent tous les trimestres. « Le Bureau d’études, de recherche et de training (Bert) de l’UAA, par exemple, nous permet de faire émerger une réflexion architecturale propre à l’Afrique et à ses traditions culturelles », se félicite Ramatoulaye Diagne. Le fameux style « international », qui a trop longtemps sévi sur le continent, est-il enfin en voie de disparition ?

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