Aimé Nouma

Au terme d’un parcours chaotique, ce Camerounais a trouvé son équilibre dans le slam. Avant un premier album solo, il entonne cette semaine l’hymne du Téléthon.

Publié le 4 décembre 2009 Lecture : 5 minutes.

La vie d’Aimé Nouma ressemble à un match de foot. La première mi-temps commence en 1958 à Yaoundé, où il est né. Son père, Olivier-Richard, est un excellent footballeur, membre du onze camerounais. Ambitieux, celui-ci tente sa chance en France, sans succès. Frustré et malheureux, il demande à sa femme de le rejoindre avec Aimé, son fils aîné, alors âgé de 5 ans. Il travaille dur et se reconvertit dans la comptabilité, tandis que son épouse, illettrée, enchaîne les petits boulots.

Nouma Jr, lui, tente de faire du ballon rond une arme de séduction massive. « Je jouais très bien, se souvient-il, et du coup, j’avais beaucoup de potes. En revanche, avec les filles, c’était plus compliqué. Je ne comprenais pas pourquoi elles n’étaient pas aussi emballées par le foot que les garçons ! » Qu’à cela ne tienne. Il affine son jeu sur les terrains de Saint-Gratien, la ville d’Île-de-France où il grandit. « Pour une moitié de la population, Aimé était une sorte de coqueluche. L’autre moitié soutenait un autre joueur [Manuel Abreu, NDLR] qui a fait une belle carrière en D2, à Reims », se souvient Pélagie, l’une de ses trois sœurs.

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Pendant sa dernière année en tant que junior, le club de Saint-Gratien figure, avec Auxerre et le Red Star, parmi les seize meilleurs de France. Aimé Nouma, qui porte le numéro 9, n’y est pas pour rien. « J’ai marqué 72 % des buts de l’équipe ! », s’enthousiasme l’ex-avant-centre.

Galvanisé par les résultats de son fils, Olivier-Richard lui décroche un stage aux Girondins de Bordeaux. Une occasion en or ? Non, car le jeune prodige, en pleine crise d’adolescence, ne concrétise pas. « Je n’avais pas spécialement envie de passer pro, alors, je ne me suis pas entraîné. » Les cadres bordelais s’aperçoivent vite de sa médiocre condition physique. Carton rouge : l’aventure s’arrête là.

Il s’en mord encore les doigts. « Si je pouvais revenir en arrière, je me botterais les fesses, d’autant que mon frère, lui, a réussi dans le foot », regrette-t-il. Ancien professionnel, Pascal Nouma joua en effet au Paris-Saint-Germain, à l’Olympique de Marseille et dans le club turc Besiktas. Entre autres. Aimé sait qu’il a déçu les espoirs de nombreux fans. « Tout le monde voyait en lui un futur international », se souvient Pélagie.

Début de la deuxième mi-temps. Rongé par la honte, Aimé Nouma s’exile à Paris. Il a 19 ans, il vient de rater son baccalauréat G3 (technique commerciale) et ne songe qu’à faire la fête, à rencontrer des VIP et à… séduire les femmes. « À partir du jour où mon père m’a dit que j’étais le plus moche de la famille, j’ai eu besoin de paraître », confesse-t-il. Il vit d’amour, d’eau fraîche et, féru de cinéma, rêve de crever le grand écran. Il décroche des rôles de figurant et fait du doublage. Rien de concluant. En 1990, fatigué de « se chercher » et en proie à une grave dépression, il écoute la voix qui lui souffle de retourner en Afrique.

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Direction Yaoundé, où il rencontre le chanteur Donny Elwood. Avec lui, Aimé Nouma, qui snobait l’écriture pour préserver son image rebelle, prend la plume. « On écrivait des nouvelles, des séries télé… J’étais heureux car j’exprimais ce que j’avais en moi de créativité. » Mais « le Blanc » qui parle mal son « patois » finit par quitter Donny Elwood et, plusieurs années durant, travaille comme commercial pour une société d’événementiel et participe à la réalisation de films institutionnels sur la pauvreté et le sida, financés par des associations. Puis, un jour, il postule pour représenter le Cameroun dans l’édition internationale de l’émission de télévision Questions pour un champion. Il se qualifie et, en 1997, revient en France pour le jeu. Qu’il perd. Retour à la case départ : manutention, doublage, figuration… Certes, à la demande de Luc Besson, le producteur français à succès, il incarne un petit rôle dans Le Baiser mortel du dragon, sorti en 2001. Mais l’horizon ne se dégage pas pour autant.

Consolation : depuis son aventure camerounaise, il assume son goût pour l’écriture. À se demander même comment il a pu vivre sans ! « Quand j’écris, il n’y a que ça qui compte, dit-il. Le temps n’existe plus, les soucis non plus. Il reste juste le besoin de sortir quelque chose de soi. »

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Match nul? L’arbitre finit par siffler les prolongations. « Lors d’un déménagement, l’un des déménageurs, informé de ma passion pour l’écriture, me demande : “Tu connais pas le slam ?” » Un art métissant deux univers qu’il apprécie : celui des poètes-chanteurs francophones Georges Brassens et Jacques Brel et celui des rappeurs africains-américains 2Pac et Notorious BIG. Bon sang, mais c’est bien sûr !

Aimé Nouma griffonne, rature, réécrit. En décembre 2003, à l’Abracadabar de Paris, il « slame » pour la première fois. « Toi, t’es un Black Titi de Paname ! », lui lance, conquis, l’un des animateurs. Dès lors, il multiplie les scènes, intègre les collectifs Universlam et Planetslam, initie des jeunes à son art et, un temps, anime l’émission Slam parle de… sur la chaîne La Locale.

Le but n’est pas loin. Un album bouclera la boucle en février 2010. Aimé Nouma, étonnant mélange d’assurance, d’autorité et de réserve, y raconte les arrondissements de Paris découverts au gré de ses relations amoureuses. Il évoque aussi la délinquance, la prostitution et le devoir de mémoire. « Marianne, change de disque, cesse donc d’être amnésique », déclame-t-il de sa voix éraillée.

Père de trois enfants, dont deux nés au Cameroun, militant de la cause des sans-papiers, il reproche aujourd’hui à la France « d’avoir tiré profit des immigrés et de minimiser aujourd’hui leur apport ». Pour que le message passe, point de termes tarabiscotés et place à l’humour. « J’ai un langage assez imagé, qui ne boude pas l’argot et le verlan. J’ai envie qu’en m’écoutant les gens en aient plein les yeux et les oreilles, qu’ils vibrent. »

Apparemment, ça marche. « Aimé a un sens du rythme et du swing imbattable, lance, admiratif, le compositeur et musicien Yao Dembelé. Il y a beaucoup de rappeurs qu’il pourrait mettre à l’amende ! » Seul petit reproche, « sa fringale de faire trop de choses en même temps. Parfois, je suis obligé de le ramener à l’essentiel ! »

La prochaine priorité d’Aimé Nouma ? Le Téléthon 2009 (4 et 5 décembre), un programme télévisé récoltant des fonds pour combattre les maladies génétiques rares. Il slamera à cette occasion Tous plus forts que tout, un titre travaillé avec Yao Dembelé. C’est sa façon de se rapprocher des familles et des patients dont, quelque part, il partage la douleur. Depuis une rupture d’anévrisme, en 2002, son père est en effet hémiplégique. Un drame qui a accru les échanges entre les deux ex-footballeurs. Jadis avare de compliments, Olivier-Richard n’hésite plus à féliciter son fils. Pour lui montrer combien il est fier de lui. 

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