Blacks and the cities

Depuis 1968, la plupart des grandes agglomérations américaines ont été, à un moment ou à un autre, dirigées par un Africain-Américain. Et les élections municipales qui s’achèvent ce 1er décembre n’infirment pas la tendance.

Publié le 30 novembre 2009 Lecture : 4 minutes.

C’est une lourde tâche qui attend Dave Bing, grand vainqueur de l’élection municipale à Detroit, le 3 novembre. Avec un taux de chômage de 22 % et un déficit budgétaire de 300 millions de dollars, la « capitale » de l’industrie automobile américaine, dont plus de 81 % des 950 000 habitants sont noirs, est l’une des plus touchées par la crise financière. Ancienne gloire du basket américain, Bing, 65 ans, veut d’abord ramener le calme et la sérénité dans cette ville secouée par les scandales politiques. Son prédécesseur, Kwame Kilpatrick, autre Africain-Américain (de trente ans son cadet), a été contraint de quitter son poste après avoir détourné des fonds publics et refusé de laisser la justice enquêter sur ses rapports extraconjugaux avec son assistante.

Pour la communauté dans son ensemble, ces affaires sont fâcheuses : elles ternissent le bilan des Africains-Américains qui se sont succédé à la mairie de Detroit depuis 1974. Quatre fois réélu (1974-1993), Coleman A. Young fut celui qui mit fin aux violences en intégrant les Noirs dans la police, jusque-là exclusivement composée de Blancs. Moins populaire, Dennis Archer (1994-2001) n’en fut pas moins l’artisan du rapprochement des banlieues avec le centre-ville.

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De Charlotte à Cincinnati

D’autres mégalopoles américaines ont, le 3 novembre, choisi des maires noirs. Anthony Foxx a été élu à Charlotte (687 000 habitants), Franck Jackson réélu à Cleveland (450 000) et Mark L. Mallory à Cincinnati (330 000). À Houston, Texas, le candidat africain-américain Gene Locke devra attendre le second tour, le 1er décembre, pour savoir s’il dirigera la quatrième ville des États-Unis (2,1 millions d’habitants).

En revanche, Bill Thompson, candidat à New York, a échoué de peu face au sortant, le richissime Mike Bloomberg, en poste depuis 2002 (46 % des voix, contre 51 %). Dès le départ, la mission s’annonçait impossible pour le contrôleur financier de la ville. Face à un adversaire qui n’a pas hésité à puiser près de 100 millions de dollars dans sa fortune personnelle pour assurer sa réélection, les 6 millions qu’il a collectés n’auront pas pesé assez lourd. Thompson ne sera donc pas le second maire noir de la « Grosse Pomme » après David Dinkins (1990-1993). Un mandat dont les New-Yorkais gardent d’ailleurs un mauvais souvenir, puisqu’il fut marqué par les émeutes de Crown Heights, à Brooklyn (1991), puis par les premiers attentats du World Trade Center (1993).

Depuis 1968 et l’élection à Cleveland de Carl B. Stokes, premier maire noir d’une grande ville, les Américains ont pris l’habitude de voter pour des candidats issus des minorités. Les mégalopoles américaines sont nombreuses à avoir été dirigées par un Africain-Américain : de Tom Bradley, réélu quatre fois à Los Angeles (1973-1993), à Harold Washington, qui mena à bien un mandat à Chicago (1983-1987), en passant par Ron Kirk, à Dallas (1995-2002), Lee Brown, à Houston (1998-2004), et Willie Brown, à San Francisco (1996-2004).

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Monopole démocrate

À l’origine, le processus fut la traduction de la volonté des Noirs de s’impliquer pleinement dans la vie politique. Dans le sillage du mouvement pour les droits civiques, dont l’aboutissement fut, en 1964, l’interdiction de toute discrimination raciale, les chefs de file politiques de la communauté choisirent très vite de partir à l’assaut des grandes villes américaines, tandis que les Africains-Américains s’inscrivaient massivement sur les listes électorales. En 2004, c’est dans la communauté noire que les taux d’inscription et de participation étaient les plus élevés.

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Particularité de cet engagement : il est très largement favorable aux démocrates. Les maires noirs américains sont presque tous élus sous la bannière de l’âne, les rares exceptions étant des indépendants ou des non-partisans. Ironie de l’Histoire, la communauté fut longtemps républicaine, en raison de son attachement à Abraham Lincoln, le président qui, en 1865, abolit l’esclavage. La tendance s’inversa progressivement lorsque Franklin D. Roosevelt instaura des programmes économiques plus avantageux pour les Noirs, puis totalement lorsque John F. Kennedy et Lyndon B. Johnson se prononcèrent en faveur des droits civiques.

Au fil des années, certaines villes sont, à l’image de Detroit, devenues de véritables bastions électoraux. Depuis trente ans, quatre maires noirs se sont succédé à La Nouvelle-Orléans, dont plus de 67 % des 450 000 habitants sont noirs : Ernest Morial (1978-1986), Sidney Barthelemy (1986-1994), Marc Morial (1994-2002) et C. Ray Nagin (2002-2009). À Memphis (650 000 habitants, dont 61 % de Noirs), la mairie était dirigée depuis 1991 par Willie W. Herenton, élu à quatre reprises. Le 26 octobre, c’est un autre Africain-Américain, A. C. Wharton, qui lui a succédé.

Symboles

À Philadelphie (Pennsylvanie, 1,5 million d’habitants), trois Noirs ont dirigé la municipalité : Willie Wilson Goode (1984-1992), John Street (2000-2008) et Michael Nutter (depuis 2008). À Atlanta (486 000), tous les maires sont noirs depuis 1974 : Maynard Jackson (1974-1982, puis 1990-1994), Andrew Young (1982-1990), Bill Campbell (1994-2002) et Shirley Franklin (2002-2009), l’une des rares femmes noires élues. Une série qui pourrait s’interrompre dans la capitale de la Georgie, Kasim Reed, le candidat noir, n’étant pas idéalement placé face à la républicaine Mary Norwood, dans la perspective du second tour.

Si le racisme est encore loin d’avoir disparu, les États-Unis semblent bien avoir définitivement tourné la page de la ségrégation raciale. À l’instar de l’élection à la présidence de Barack Obama, certains symboles ne trompent pas. Ainsi, la ville de Philadelphie, dans le Mississippi, où, en 1964, le Ku Klux Klan assassina trois militants pour les droits civiques, a, pour la première fois de son histoire, élu un maire noir, le 21 mai. Après sa victoire, James A. Young, un pasteur pentecôtiste de 53 ans, n’a pas boudé son plaisir : « J’ai fait beaucoup de porte-à-porte pendant la campagne. Et partout je me suis senti le bienvenu. Il n’y a eu aucune réaction négative. »

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