Pourquoi Riyad doit repenser se tratégie

L’Arabie saoudite s’obstine – à tort – à voir la main de l’Iran derrière le mouvement de rébellion houthi. Et son intervention militaire ne fait que prolonger le conflit.

Publié le 30 novembre 2009 Lecture : 3 minutes.

C’était très clairement une affaire non saoudienne. Pourtant, le royaume, généralement très prudent, s’est retrouvé embarqué militairement dans la guerre interne de son voisin, le Yémen. Ses avions de chasse ont bombardé, ces deux dernières semaines, des positions frontalières des rebelles houthis qui combattent le gouvernement yéménite. C’est le sixième cycle de violence d’un conflit intermittent déclenché en 2004.

Le Yémen est un pays anarchique de 23 millions d’habitants à l’extrémité sud de la péninsule Arabique, rongé par la pauvreté et par des dysfonctionnements politiques qui ont tendance à s’exporter. Les États non frontaliers devraient donc s’inquiéter aussi de la situation sécuritaire dans le pays, qui abrite depuis longtemps des ­extrémistes d’Al-Qaïda.

la suite après cette publicité

La rébellion des houthis, des chiites zaydites aux pratiques en réalité plus proches du sunnisme, n’est qu’un des problèmes auxquels doit faire face le gouvernement de Sanaa. Entre le mouvement sécessionniste du Sud et le tarissement des réserves d’eau et de pétrole, l’instabilité du pays risque de s’aggraver. Les capitales occidentales craignent que le Yémen ne devienne un État en faillite déstabilisateur pour la région. La fusion des branches saoudienne et yéménite d’Al-Qaïda l’année dernière a en effet fourni un nouvel abri aux extrémistes chassés d’Arabie saoudite.

Comment Riyad, créancier du Yémen, s’est-il retrouvé impliqué dans ce conflit aux racines religieuses et sociales très complexes ? Au dire des Saoudiens, il s’agissait de repousser de l’autre côté de la frontière les houthis. Selon ces derniers, le royaume autorise depuis un moment l’armée yéménite à utiliser son territoire pour les encercler.

Dimension régionale

La dimension régionale du conflit est potentiellement encore plus dangereuse. Les Saoudiens voient les houthis comme un instrument aux mains d’un Iran qui veut accroître son influence. Les autorités présentent le conflit au Yémen comme une guerre entre une minorité chiite et un gouvernement à majorité sunnite, comparable à la situation libanaise dans laquelle Riyad avait déjà soutenu la coalition sunnite au pouvoir et l’Iran le Hezbollah.

la suite après cette publicité

Pour l’Arabie, c’est une occasion de tenir tête à un Iran affaibli depuis les élections de juin dernier. Depuis des mois, les deux grandes puissances du Golfe s’affrontent par médias interposés. L’Iran reproche aujourd’hui à Riyad les bombardements des positions houthies, qualifiés de « terrorisme d’État ». Des religieux saoudiens, de leur côté, fustigent « l’agression » de l’Iran et son soutien au prosélytisme chiite en terre sunnite.

Mais, en dehors du Moyen-Orient, personne ne croit à un lien entre l’Iran et les houthis, pas même les Occidentaux. Riyad se laisse peut-être abuser par son ressentiment à l’égard de Téhéran. Les fondements de la rébellion houthie se trouvent dans la marginalisation sociale et politique d’un groupe qui considère que l’État a succombé à une idéologie salafiste radicale. Si leur slogan est « Dieu est grand, mort à l’Amérique et à Israël », les houthis ne réclament pas, contrairement à ce que l’on dit souvent, la restauration de l’imamat zaydite, lequel prévalait jusqu’en 1962.

la suite après cette publicité

En revanche, l’implication ­saoudienne risque, ironiquement, de prolonger le conflit. Les destructions de biens et les déplacements de personnes fournissent à la rébellion de nouvelles recrues. Selon Christopher Boucek de la Fondation Carnegie pour la paix internationale, il n’y a pas de solution militaire au conflit. La stabilité du Yémen, explique aussi Bernard Haykel de l’université de Princeton, requiert une politique qui ne s’appuie ni sur l’injection d’argent ni sur l’emploi des armes.

Le dernier rapport de l’International Crisis Group (ICG) de mai 2009 préconisait que le Yémen exploite sa tradition de tolérance et de consensus pour mieux intégrer les houthis à l’État. Il appelait également les pays du Golfe et les pays occidentaux à contribuer à la reconstruction.

Comparé à d’autres conflits du Moyen-Orient, celui du Yémen est relativement peu violent et ainsi facilement ignoré. Mais par sa durée, son nombre de victimes et sa dimension régionale, il est différent des autres épisodes violents qu’a connus le pays. Et l’ICG rappelle qu’« il faudra plus qu’une implication nationale et internationale médiocre pour y mettre un terme ». 

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires