Aziz fait son ménage
Des hauts fonctionnaires relevés de leurs fonctions, d’autres arrêtés et emprisonnés : depuis son élection, le chef de l’État veut montrer qu’il lutte contre la corruption. Mais ses méthodes ne font pas l’unanimité.
Les têtes tombent à Nouakchott. Le 19 novembre, Zeine Ould el-Hadi, le directeur du Budget, a été « relevé de ses fonctions ». Dans le communiqué du Conseil des ministres, l’annonce de ce limogeage tient en une phrase lapidaire. Aucune explication n’est avancée. Le même scénario s’était déjà produit deux semaines plus tôt, à l’identique : à l’issue de la réunion hebdomadaire du gouvernement, le patron de la Caisse nationale de sécurité sociale ainsi que plusieurs directeurs de département au ministère du Développement rural ont été « relevés de leurs fonctions » sans autre forme de procès. Une sanction couperet : tout haut fonctionnaire remercié est écarté de l’administration publique pendant trois ans.
« Des fautes, pas des erreurs »
Depuis l’élection de Mohamed Ould Abdelaziz, en juillet dernier, ils sont nombreux à être ainsi forcés à marquer une pause dans leur carrière. En septembre, c’était le wali (le préfet) de Nouakchott. En octobre, celui de Nouadhibou. En novembre, le directeur général de Radio Mauritanie. Certains finissent derrière les barreaux : le 19 novembre, Sid’El Moctar Ould Nagi, gouverneur de la Banque centrale de Mauritanie en 2001 et 2002, a été transféré à la prison centrale de Nouakchott après avoir été entendu pendant une semaine par la Brigade de répression des crimes économiques. Il rejoint l’ancien coordinateur du Programme national de lutte contre le sida, Abdallah Ould Horma, incarcéré un mois plus tôt.
D’autres verront peut-être leur heure sonner bientôt : l’Inspection générale d’État (IGE, organe de contrôle administratif) a envoyé à plusieurs ministères (Affaires islamiques et Travail notamment) des mises en demeure les invitant à rembourser des détournements. S’ils n’obtempèrent pas, ils finiront devant la justice.
Le chef de l’État est-il résolu à faire le grand ménage, comme il l’avait promis durant sa campagne quand il a accusé les « gabegistes » et les « prévaricateurs » d’avoir conduit la Mauritanie à sa perte ? Au gouvernement, on explique que cette chasse à l’homme est menée au nom de la lutte contre la corruption. « Ce ne sont pas seulement des mots », déclare le ministre des Finances, Ousmane Kane. Et la plupart des personnes visées travaillent dans la haute fonction publique, une belle situation qui permet de s’enrichir avec les deniers de l’État sans grand risques. « À la direction du Budget, il y a eu des fautes de gestion, poursuit Ousmane Kane. Des fautes, pas des erreurs. »
Comme le directeur général de Radio Mauritanie, certains « relevés de leurs fonctions » ont été nommés par « Aziz » lui-même. Conséquence : un sentiment de précarité même chez les plus proches du chef de l’État. Tous se souviennent de la mésaventure de Mohcen Ould Hadj : éminence grise d’Aziz au lendemain du putsch du 6 août 2008, il a été évincé du premier cercle parce qu’il se prévalait de ses relations avec le président.
Pour autant, l’opération mains propres ne fait pas l’unanimité. L’absence de communication sur les raisons des limogeages et des arrestations ne favorise pas la transparence. Aucune campagne de « nettoyage » n’a été officiellement lancée. « On dirait que c’est le fait du prince », estime un homme d’affaires. D’autres soulignent que les proches de l’opposition paient un plus lourd tribut. « Une opération mains propres doit être menée en toute transparence, s’insurge Mohamed Ould Maouloud, président de l’Union des forces de progrès (UFP), dans l’opposition. Il ne faut pas combattre un mal par un autre. »
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