Faut-il supprimer le foot ?
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 30 novembre 2009 Lecture : 2 minutes.
Le football, paraît-il, rend fou. Il attise la violence et les conflits, exacerbe les replis identitaires, glorifie la tricherie, incite à la corruption, facilite l’expression du racisme, abêtit les foules… L’actualité, hélas ! ne fait rien pour remédier à cette image. De la haine exponentielle entre l’Algérie et l’Égypte à l’excommunication, après sa qualification « honteuse », de la France de Thierry Henry, jugée par-dessus le marché trop « black, black, black » par un pseudo-philosophe dont nous tairons le nom, en passant par les affrontements récurrents entre supporteurs de tous bords ou les récentes révélations sur des matchs truqués ici et là, le monde du ballon ne tourne plus très rond. Comme la planète elle-même, pourrait-on dire…
Le sport le plus populaire a de tout temps été propice à des dérapages plus ou moins contrôlés. Souvenons-nous de la guerre de Cent Heures entre le Salvador et le Honduras, en juillet 1969, consécutive à un scénario footballistique qui rappelle trait pour trait celui d’Algérie-Égypte (double confrontation pour une qualification à la Coupe du monde, match d’appui, affrontements entre supporteurs). Il est vrai que les rassemblements de plusieurs milliers de personnes dans une enceinte – qu’il s’agisse de sport ou de politique – ne favorisent guère les comportements intelligents ou pacifiques. Mais le football, en l’occurrence, a bon dos. Car plutôt que la source du mal, il n’est en réalité que le miroir dans lequel se reflètent les tourments, les dérives, le mal-être et les frustrations de nos sociétés. Bref, l’exutoire idéal. Il est aussi, et c’est plus grave, l’instrument qu’aiment à utiliser nos dirigeants pour détourner l’attention de leurs compatriotes des vrais problèmes, canaliser leur ire ou se (re)faire une image à peu de frais. N’est-ce pas, messieurs Moubarak père et fils ?
Football et politique ne font jamais bon ménage. Les rapports qu’ils entretiennent sont ambivalents et, surtout, dangereux. Les hommes politiques patrons de club sont d’ailleurs tous controversés : Bernard Tapie, Silvio Berlusconi ou Moïse Katumbi, le gouverneur du Katanga, qui vient de gagner la Ligue africaine des champions avec son club, le bien nommé Tout Puissant Mazembe.
Mais il serait complètement injuste d’oublier que le football peut aussi rassembler et réconcilier. En Côte d’Ivoire, au Rwanda, en Sierra Leone, en Afrique du Sud, en France (l’équipe « black, blanc, beur » championne du monde 1998), entre Turcs et Arméniens plus récemment. Le problème, à l’évidence, n’est pas le football lui-même, mais l’utilisation qu’on en fait et l’importance qu’on lui accorde. À un peu plus de six mois de l’ouverture de la Coupe du monde en Afrique du Sud, événement symbolique s’il en est, il serait grand temps de s’en souvenir.
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