Design or not design ?

Fawzia Zouria

Publié le 23 novembre 2009 Lecture : 2 minutes.

Le quotidien français Le Monde vient de lancer un nouveau supplément sur le design. Est-ce une initiative inédite ? Non. Les rubriques des journaux consacrées à ce métier pullulaient jusqu’au début des années 1990. Souvenez-vous, c’était le bel âge du design où même les plus néophytes d’entre nous s’étaient familiarisés avec le jargon et usaient des mots « high-tech » ou « ergonomie » à tout bout de champ. Est-ce le signe du retour en force de cette discipline ? Pas sûr. Si les chantres de cette science du beau ne cessent de s’enthousiasmer, les vrais connaisseurs déplorent la baisse du nombre des créations. Les écoles essaiment, les étudiants affluent, c’est vrai, mais il n’y a plus vraiment de ces meubles et de ces objets qui vous faisaient tomber raide tant ils incarnaient l’art de savoir dessiner beau et pas forcément utile.

Surtout, l’époque est révolue où les designers s’ingéniaient à nous rendre la vie facile, à nous les femmes. Naguère, on nous inventait des casseroles pratiques, des poubelles accessibles, des lavabos pour se laver les mains sans être juché sur un tabouret. Et voilà qu’on ne nous crée plus rien, ou presque. Parce qu’on estime sans doute qu’on en a assez fait pour les filles d’Ève et que, désormais, les hommes nous aident suffisamment dans les tâches ménagères. Ce qui est loin d’être la réalité.

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De fait, il semble que le design a déserté les rayons des objets communs de la production de masse pour l’industrie du luxe. Il mise aussi sur les nouvelles technologies. Autrement dit, après avoir fait des efforts pour les ménagères à 100 % que nous étions, le voilà qui bichonnerait les super-secrétaires que nous sommes devenues. Philippe Stark ne plancherait plus sur sa Miss Trip, « l’archétype de la chaise de cuisine sur laquelle maman servait le café au lait », mais sur le fauteuil de bureau qui permettrait de taper sur l’ordi sans se casser le dos. On pourrait, par la même occasion, se soucier de soulager les oreilles qui s’abîment à force d’être collées au portable, pourquoi pas ? Moi je dis : c’est de la triche, ce design-là, ça ne concerne pas davantage les femmes que les hommes !

En attendant, un boulot est venu s’ajouter à un autre. Et les nanas font désormais tout, de la popote aux dossiers, en passant par le nettoyage des nids de poussière et des virus de la Toile. La gentillesse des marabouts de la modernité devrait s’appliquer à trouver une solution pour que nous puissions passer – sans avoir à changer de posture ni à se fatiguer – d’une peine à l’autre. En nous permettant par exemple de cliquer pour que le ménage soit fait, de cuisiner pendant que l’ordi travaille tout seul… et vice versa ! Après tout, pourquoi n’investirait-on pas pour de tels projets, au plus grand bonheur des dames ? Sauf que les professions qui misent sur ce qui ne rapporte pas sont plutôt rares. Et, contrairement aux nouvelles technologies, les casseroles et les saladiers font plutôt tourner l’économie à perte. Il ne nous reste plus – triste compensation – que la chirurgie esthétique, ce design corporel qui marche du tonnerre. Au moins les designers des temps modernes ne peuvent l’influencer. Encore heureux !

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