Le Maroc d’hier et d’ailleurs

Notre collaborateur Fouad Laroui publie un recueil de nouvelles. Avec ironie et un goût prononcé pour l’absurde, il dépeint le Maroc des années 1980 et le quotidien des émigrés.

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Publié le 2 décembre 2009 Lecture : 2 minutes.

Fouad Laroui a raison d’écrire des nouvelles. Dans Le jour où Malika ne s’est pas mariée, notre collaborateur prouve, si besoin était, qu’il en maîtrise parfaitement le genre. Et raconte huit histoires apparemment anodines, qu’un élément vient brutalement perturber. Dans Le jour où Saddam fut pendu, c’est l’exécution du tyran irakien qui bouleverse le quotidien pourtant banal d’une famille d’émigrés marocains. Dans L’Étrange Affaire du cahier bounni, une directive du ministère de l’Éducation nationale ébranle la tranquille bourgade d’El-Jadida, tout le monde ignorant ce que « bounni » veut dire. Il en ressort des situations cocasses et un véritable plaisir de lecture. Comme le veut la loi du genre, le dénouement est habilement amené et les fins sont toujours inattendues.

Le livre est léger et plein d’humour. Mais Laroui ne tombe pas pour autant dans les bons sentiments. À la manière d’un Maupassant arabe, il distille tout au long de son récit une certaine ironie et un sens de l’absurde qui donnent de l’épaisseur aux textes. Les nouvelles « européennes », comme Le jour où Saddam fut pendu ou L’Esthète radical, sont l’occasion de raconter le quotidien de l’émigration. Les deux personnages, Jaafar et Ahmed, sont des émigrés marocains bien comme il faut. Pourtant, ils se retrouvent constamment renvoyés à leurs origines. Derrière la légèreté du style point une inquiétude. Est-on condamné à être toujours un émigré ? L’intégration n’est-elle qu’un vain mot ?

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Maupassant et Gogol

Dans les nouvelles « marocaines », Laroui se transforme en conteur au style truculent. Ses récits s’ouvrent sur un lieu, le Café de l’univers. Une bande d’amis y est attablée. L’un fait des mots croisés, l’autre sirote un café tandis que le troisième raconte une histoire. Le truchement est certes classique, mais il permet à l’auteur d’installer une habile mise en abyme. On ne sait plus dès lors ce qui tient de la rumeur, de la légende urbaine ou du fait réel.

Surtout, cela sert la description des années 1980 dans laquelle Laroui plonge le lecteur, notamment dans L’Étrange Affaire du cahier bounni ou Sur le chemin de la cathédrale, les deux nouvelles les plus réussies. Avec une ironie cinglante, l’auteur parvient à mettre en évidence l’absurdité d’une époque où la bureaucratie est si puissante que les individus en perdent la raison. Les conversations entre les personnages ainsi que la description des situations ne vont pas sans rappeler Gogol livrant avec Le Revizor une acerbe satire de l’époque tsariste.

Mais surtout, Laroui est un habile peintre de l’âme humaine et des travers de nos sociétés. Au Maroc, il raconte la mesquinerie des conflits de classe. Ou le manque de lucidité des individus dans leur rapport au pouvoir comme dans leur rêve d’émigration clandestine. Le lecteur sort de ce livre ravi, comme si au détour d’une rencontre avec un conteur de la place Jemaa-el-Fna il avait croisé Maupassant et Gogol. Et que tous deux lui avaient conté des histoires. 

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