Herman Van Rompuy, le nouveau visage de l’Europe
Herman Van Rompuy, président de l’Union européenne
C’est un étonnant président que les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne (UE) ont choisi, jeudi 19 novembre, à Bruxelles, en la personne de Herman Van Rompuy, le Premier ministre belge en exercice. Pour occuper pour la première fois ce poste créé par le traité de Lisbonne, on attendait une personnalité qui donne un visage à l’Europe, une sorte de George Washington fantasmé. Voilà qu’on se retrouve avec un homme de 62 ans à la calvitie avancée, tout gris dans son costume cravate, inconnu du reste de l’Europe, et que les journaux de son pays caricaturent en l’affublant d’une soutane de prêtre. Pas de quoi faire rêver. Et pourtant…
S’il a fini par séduire Nicolas Sarkozy et Angela Merkel sans déplaire à Gordon Brown ou à José-Luis Zapatero, c’est que Van Rompuy (prononcez rompeuil) recèle d’étonnantes qualités. La constance est son apanage. C’est un fidèle à sa foi catholique, qu’il pratique assidûment. Il est diplômé en économie, mais aussi en philosophie thomiste (inspirée par saint Thomas d’Aquin). Il n’a jamais changé de parti, le parti chrétien-démocrate et flamand (aujourd’hui CD & V), dont il a gravi les échelons jusqu’à le présider à l’âge de 40 ans. Il a toujours témoigné d’un solide nationalisme flamand.
À Kinshasa, selon un proche du chef de l’État congolais, Van Rompuy jouit d’un « préjugé favorable. Il est venu assister, en 2007, à la célébration de notre fête nationale. C’est quelqu’un qui rassure et il n’est pas du tout agité, contrairement à Karel De Gucht [l’ex-chef de la diplomatie belge, NDLR]. » Sous Mobutu, il avait soutenu les démocrates-chrétiens congolais.
La carrière législative puis ministérielle de Van Rompuy n’a pas été fulgurante. Il a laissé le souvenir d’un ministre du Budget d’une rigueur implacable (1993-1999) et d’un président du Parlement belge d’une remarquable aménité (1999-2008). L’homme que dépeignent les témoignages est un curieux mélange de fermeté confinant à la dureté – on le dit sans pitié pour l’adversaire – et de diplomatie qui l’a rendu presque populaire parmi les francophones, qu’il a pourtant combattus. Autre trait, rare en politique : la modestie. Les magazines people ne feront pas fortune avec ce père de quatre enfants qui ne voulait être ni Premier ministre ni président de l’Europe, qui se sent « tout sauf indispensable » et qui affirme que « la politique n’est pas tout dans la vie ». Quand il part l’été dernier en vacances en Australie, c’est avec sa famille, en camping-car et sans garde du corps. Il pratique l’humour et rédige en flamand des haïkus, ces poèmes japonais microscopiques de dix-sept caractères. Par exemple, « cheveux dans le vent, le vent rattrape les années, partis les cheveux ». Il affirme que « tout être humain doit choisir entre l’absurde et le mystère. Moi, j’ai choisi le mystère ».
Depuis un an à la tête du gouvernement belge, il a séduit ses compatriotes. Avec son air de ne pas y toucher, ce « facilitateur » a mis en place un plan de relance, réglé le dossier empoisonné de la banque Fortis, trouvé une solution à l’insoluble problème des sans-papiers et commencé à s’atteler à la querelle Flamands-Wallons dans la région de Bruxelles.
Il n’était donc pas du tout candidat à la présidence de l’UE et ce refus satisfaisait ses compatriotes, qui voulaient conserver ce Premier ministre-là, car « ses qualités qui seraient utiles aux Vingt-Sept sont aujourd’hui indispensables à la Belgique », écrivait le quotidien Le Soir. Un faisceau d’intérêts et d’exigences l’ont propulsé dans ce fauteuil dont il ne voulait pas. D’abord, les Vingt-Sept souhaitaient un Premier ministre ou un ex-Premier ministre, un président ou un ex-président. Il fallait ensuite qu’il soit conservateur, puisque les élections ont donné la majorité européenne à ce courant. Il ne devait pas faire d’ombre aux grands pays de l’Union, comme aurait pu le faire un Tony Blair candidat du Royaume-Uni. Il ne devait pas être trop fédéraliste pour ne pas déplaire aux Britanniques. Il devait être contre l’adhésion de la Turquie, etc. Manifestement, seul Herman Van Rompuy remplissait tous les termes de cette équation à beaucoup d’inconnues.
Sa tâche est redoutable. D’abord parce que, comme il l’a dit, « décider à vingt-sept, c’est dur ». Ensuite parce que personne ne sait en quoi consiste cette nouvelle présidence de deux ans et demi. Sera-t-il le porte-parole écouté de l’Europe ou le simple organisateur des déjeuners de travail des chefs d’État et de gouvernement ? Comment cohabitera-t-il avec la Britannique Catherine Ashton, qui a été nommée, le même jour que lui et pour cinq ans, haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères ? Sortira-t-il l’Europe de son désenchantement ? Herman Van Rompuy a choisi le mystère : il va être servi.
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