La grande bouffe

FRANCOIS-SOUDAN_2024

Publié le 23 novembre 2009 Lecture : 2 minutes.

Si le ridicule tuait, la FAO serait morte depuis longtemps. À preuve, le dernier sommet de cette organisation onusienne pour l’alimentation et l’agriculture, réuni à Rome du 16 au 18 novembre, chef-d’œuvre d’inutilité dispendieuse et machine à discours aussi soporifiques que papivores. La comédie a débuté le 13 au soir, par un étrange apéritif. Assis derrière une table dans le hall de la FAO, un matelas mousse à ses côtés, équipé d’une écharpe, d’un bonnet de laine et d’un manteau enfilé sur un pyjama, le directeur général, Jacques Diouf, en poste depuis seize ans, annonce aux médias qu’il entame une grève de la faim de… vingt-quatre heures. Derrière lui, un panneau indique qu’à travers le monde un milliard d’êtres humains ont le ventre vide. Quelques heures plus tard – décalage oblige – le secrétaire général Ban Ki-Moon fait savoir depuis New York qu’il compte imiter le geste héroïque de Diouf et qu’il jeûnera, lui, le lendemain. Qui se trouve être un dimanche : autant dire que nul n’a pu vérifier. Le 14 à 20 heures, le Sénégalais cesse sa grève. Il a, dit-il, un peu souffert du froid, mais il a survécu. Sincère, Jacques Diouf ? Sans doute. Mais surtout pathétique, quand on sait que la seule cure d’amaigrissement qui vaille serait que l’usine à gaz obèse qu’est la FAO, ses 3 500 bureaucrates et ses 867 millions de dollars annuels de budget de fonctionnement, fusionne avec ces agences de terrain que sont le PAM, le Fida et l’Unicef, en perdant au passage les deux tiers de son tour de taille.

Certes, le sommet de Rome (financé en grande partie par l’Arabie saoudite) a bien eu lieu. En l’absence des riches patrons du G8, aussi égoïstes qu’insensibles à l’acte désespéré de M. Diouf, mais en présence du pape et de soixante chefs d’État, dont un bon nombre d’Africains. Entre séances de shopping, disputes autour des per diem et massages en chambre, les membres des délégations se sont ennuyés ferme au son d’allocutions où la répétition des mots « faim », « famine » et « assiettes vides » déclenchait chez eux, tel un réflexe pavlovien, l’irrésistible envie d’un room service plantureux. Résultat nul. Aucune décision concrète. Aucun engagement chiffré. Un communiqué final désespérant de vacuité. Et un épilogue grotesque digne du meilleur Fellini : Mouammar Kadhafi délivrant une leçon de Coran à deux cents jeunes Italiennes recrutées sur casting par une agence de mannequins et défrayées 65 euros chacune, dans une villa romaine.

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Au fait, et si l’on en croit le tragique calcul de Jacques Diouf, selon qui un enfant meurt de dénutrition dans le monde toutes les six secondes, combien ont cessé de vivre entre le 16 et le 18 novembre 2009, pendant les trois jours qu’a duré le sommet ? 43 200. Combien parmi eux auraient pu être sauvés si l’argent dépensé par les organisateurs et les participants avaient été utilisé à les nourrir ? Tous. Et bien au-delà, quand on sait qu’en prélude à celui de leurs époux les premières dames avaient tenu à réunir, elles aussi, leur propre sommet dans la ville éternelle. Ambiance défilé de toilettes chic et concours de bijoux sous la houlette de Mme Moubarak. Loin, très loin du cri des affamés…

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