Quand le continent se fait voler ses pilotes
Le personnel qualifié des compagnies africaines succombent aux sirènes (et aux salaires attrayants) de leurs homologues asiatiques et du Moyen-Orient.
Transport aérien : l’Afrique, chantier à ciel ouvert
Christian Folly-Kossi, secrétaire général de l’organisation africaine des compagnies aériennes (Afraa) ne décolère pas. « Ils viennent jusque dans les chambres d’hôtel, avec leurs mallettes sous le bras, s’exclame-t-il. Et ils proposent à nos personnels des salaires multipliés par trois ! Évidemment, c’est attractif… »
Ils ? Les représentants des compagnies asiatiques et des pays du Golfe, en pleine croissance depuis quelques années, qui courtisent les pilotes et autres personnels hautement qualifiés des compagnies aériennes africaines, allant jusqu’à les débaucher en masse. « Un exemple de plus de la fuite des cerveaux et de bras subie par le continent dans bien des secteurs », déplore Christian Folly-Kossi, qui représente à la tête de l’Afraa une quarantaine de compagnies africaines.
Dans le domaine aérien, l’équation est simple : les sociétés aériennes africaines, souvent petites et fragiles en dehors de quelques majors – South Africa Airlines, Ethiopian Airlines, Kenya Airlines, Royal Air Maroc… –, forment à grands frais, dans leurs propres centres d’instruction, les personnels navigants et pilotes dont elles ont besoin. Elles leur proposent un poste après obtention du diplôme. Le tout pour se voir ensuite « souffler » ce personnel hautement qualifié après seulement quelques années d’expérience ! Face aux propositions de compagnies orientales et asiatiques bien équipées, dynamiques, capables de proposer rémunérations attrayantes et meilleures conditions de travail, les salariés africains résistent très difficilement…
Sensibiliser les pays arabes
Le phénomène s’est certes affaibli ces derniers mois du fait de la crise. Le ralentissement des échanges, même s’il n’a pas freiné l’essor des compagnies asiatiques, a eu un léger retentissement sur les politiques de recrutement, laissant par la même occasion un peu de répit aux compagnies africaines. Mais qu’en sera-t-il lorsque la reprise économique se confirmera ? Pour les dirigeants africains du secteur, pas de doute, le « débauchage » reprendra de plus belle. Comment lutter dans ces conditions ? La profession, jonglant entre diplomatie et lobbying, tente de peser sur l’Union africaine (UA) pour que celle-ci s’emploie à sensibiliser les pays arabes et asiatiques au problème du mercato aérien, qui prive les équipes africaines de leurs meilleurs attaquants. Elle plaide également sa cause auprès de l’association des compagnies arabes, partenaire compréhensif mais peu désireux de freiner l’essor de ses propres membres…
La solution pourrait en fait venir des compagnies elles-mêmes. En formant des alliances, elles pourraient accroître l’effort de formation et offrir des conditions de progression et de travail plus intéressantes. « Il faudrait aussi pouvoir ajuster les salaires », admet Christian Folly-Kossi. Face aux riches compagnies du Moyen-Orient et d’Asie, les transporteurs africains ont finalement peu d’armes pour lutter contre cette dérive, a fortiori dans un contexte économique difficile…
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