Des voyages un peu plus sûrs

Les compagnies s’efforcent d’appliquer les normes internationales. Même si d’importants progrès restent à faire.

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© Vincent Fournier pour JA

Publié le 20 novembre 2009 Lecture : 4 minutes.

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Transport aérien : l’Afrique, chantier à ciel ouvert

Sommaire

Le crash de l’Airbus A310 de la compagnie yéménite Yemenia Airways survenu le 30 juin dernier, ultime accident de la série noire qui a frappé le transport aérien mondial au troisième trimestre 2009, a replacé la question de la sécurité au cœur des débats des instances internationales de l’aviation civile.

Les compagnies aériennes africaines y ont occupé une large place en représentant près de la moitié des transporteurs de la liste noire publiée par l’Union européenne à l’issue de ces drames.

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Depuis longtemps, l’Afrique ne brille guère en matière de sécurité aérienne. Les chiffres sont édifiants. Selon les statistiques de l’Organisation de l’aviation civile internationale (Oaci), le continent enregistre 37 % des accidents d’avion répertoriés sur la planète, pour un trafic qui ne constitue que 3 % environ du trafic mondial.

Pourtant, l’Afrique a fait des progrès significatifs depuis quelques années. « En 2008, le nombre d’accidents par million de départs sur le continent est encore deux fois supérieur à la moyenne mondiale, mais il était neuf fois plus important en 2005 », affirme Albert Tjoeng, le porte-parole de l’Iata, l’Association internationale du transport aérien (voir infographie page 102).

Selon certains observateurs avertis, ce recul sensible des catastrophes aériennes est d’abord le résultat d’une batterie de mesures lancée par les institutions internationales du secteur telles que l’Oaci et l’Iata. Cette dernière a notamment engagé en 2005 avec les transporteurs africains un Partenariat pour la sécurité qui prépare, à travers une série d’audits, les compagnies à l’obtention de la certification Iosa (Iata Operational Safety Audit). Ce sésame atteste du respect des normes de sécurité internationales. Il n’est délivré qu’au terme de contrôles portant sur plus de 900 critères de sûreté et de sécurité qui s’étendent « des opérations au sol, pendant le vol, jusqu’au pilotage à bord, en passant par le contrôle technique, la maintenance générale… », explique Albert Tjoeng. Ce partenariat a permis à Air Madagascar, par exemple, d’obtenir la certification Iosa.

Audits réguliers

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Mais si les audits sont régulièrement effectués, leurs recommandations ne sont encore que trop rarement appliquées. Mam Saït Jallow, directeur régional adjoint de l’Oaci, affirme que son organisation « a dû réajuster son approche, car les carences relevées dans divers pays africains devenaient récurrentes au fil des ans. Nous avons donc mis en place des plans d’assistance pour inciter à la mise en œuvre des règles de sécurité et de sûreté. Ainsi, un programme spécifique à l’Afrique, lancé début 2008, permet de fournir des aides ciblées de formation et de mise à niveau de certaines infrastructures aéroportuaires ».

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Modernisation de flottes

La nette diminution des accidents est aussi le résultat des efforts consentis par nombre de compagnies aériennes africaines, qui ont modernisé leur flotte pour remplacer des appareils auparavant interdits dans les espaces aériens des pays occidentaux.

« L’acquisition d’Airbus A320, A330 et de Boeing B737-500, B737-700 d’âges récents a permis d’assurer une maintenance à moindre coût, de réduire les taux d’immobilisation et la consommation en kérosène », explique Lamine Sow, ex-directeur général de l’Agence nationale de l’aviation civile du Sénégal (Anacs) et ancien pilote de ligne d’Air Afrique.

Mais, « plus que leur âge, c’est la maintenance des avions qui est importante, compte tenu des conditions d’exploitation difficiles dues au climat, renchérit Abderrahmane Berthé, directeur général d’Air Mali, dont les appareils ont 10 ans en moyenne. Aussi moderne soit-il, un avion ne garantit jamais le niveau de sécurité requis s’il n’est pas régulièrement entretenu et révisé ».

En général, « confrontées à des coûts d’exploitation très élevés et à une forte concurrence des compagnies occidentales en raison d’une libéralisation mal maîtrisée, les compagnies ont souvent tendance à tailler dans leurs coûts et à reléguer ainsi au second plan le respect de certaines normes de sécurité », ajoute Lamine Sow. L’indispensable et très coûteux contrôle dénommé Check C qui se traduit par une maintenance des appareils après 750 heures de vols est ainsi souvent négligé.

Toutefois, de plus en plus de compagnies font de la sécurité une priorité. Elles investissent dans leurs propres ateliers de maintenance ou mettent en place des partenariats techniques avec celles qui en sont équipées. Outre Royal Air Maroc et Ethiopian Airlines – qui sont des exemples à suivre dans l’entretien de leur flotte (voir encadré) –, Air Algérie, qui va bénéficier d’un plan de financement gouvernemental de 950 millions d’euros sur cinq ans (2009-2014), devrait en consacrer une partie pour agrandir et améliorer son centre technique de contrôle.

Ateliers « grandes visites »

De son côté, le Sénégal, qui attend sa nouvelle compagnie aérienne, Sénégal Airlines, a conclu en juillet dernier un accord avec la société française EAS Industries pour la création d’EMA Industries, une entreprise de maintenance qui sera spécialisée dans les « grandes visites » des appareils de type Boeing 727, 737, et de la famille A320 d’Airbus.

Ces initiatives louables des compagnies ou des instances internationales montrent une volonté de rendre le ciel africain plus sûr. Reste à poursuivre ces efforts pour améliorer la sécurité des voyageurs. Ces importants progrès à accomplir « ne sauraient tolérer aucun relâchement », prévient un observateur averti du secteur. 

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