Retour au terroir

Dans une conjoncture mondiale difficile, l’agriculture tunisienne tire son épingle du jeu. Elle produit plus et mieux, vise de nouveaux marchés et surprend par sa capacité d’innovation.

Publié le 17 novembre 2009 Lecture : 4 minutes.

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Tunisie, (r)évolution verte

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La crise, ou plutôt les crises se sont abattues sur l’agriculture tunisienne. Loin de faire le dos rond, cette dernière a retroussé ses manches pour entrer dans la dynamique des défis.

Dès 2004, malgré une balance commerciale alimentaire au beau fixe, une amélioration de 2,8 % du rendement par hectare, la multiplication des surfaces irriguées, un niveau de compétences reconnu et la création d’emplois, la Tunisie demandait une analyse de son agriculture à la Banque mondiale. Le rapport rendu par cette dernière, loin de s’appesantir sur les progrès du secteur, a conclu que celui-ci n’était pas encore performant et a préconisé de démanteler les protections tarifaires, de diminuer les interventions étatiques pour améliorer la compétitivité, de réorienter la politique commerciale afin de mieux gérer les coûts de production et de développer les produits à forte valeur ajoutée.

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Un constat doux-amer

Les conclusions du rapport de la Banque mondiale coïncidaient avec le démarrage du XIe Plan (2007-2011), dont les axes d’intervention en matière d’agriculture étaient similaires : nécessité d’améliorer la compétitivité, de promouvoir l’exportation comme moteur de développement du secteur, de préserver les ressources naturelles comme fondement d’une agriculture durable et de renforcer la sécurité alimentaire.

Toutefois, en 2007, l’agriculture tunisienne entamait ce XIe Plan en étant confrontée à la flambée des prix des matières agricoles (intrants, alimentation animale, …) sur le marché mondial. Céréaliculture et élevage ont été les premiers touchés, ainsi que le secteur oléicole, dépendant des fluctuations du marché international. Le pays a réagi immédiatement et pris les dispositions qui s’imposaient afin que les secteurs fondamentaux pour les besoins nationaux ne soient pas mis à mal.

Ainsi, les importations agroali­mentaires ont augmenté de 97 % en 2008 par rapport à 2006, avec une balance des produits affichant un déficit de 749 millions de dinars (DT, 396 millions d’euros) contre un excédent de 277 millions de DT en 2006. Mais les excellents résultats de la campagne céréalière 2009 (2,5 millions de tonnes contre 1,7 million de tonnes en 2006) illustrent les premiers résultats d’une réelle mobilisation – qui s’est conjuguée à des conditions climatiques favorables.

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À mi-parcours du plan quinquennal, le programme du président candidat, Zine el-Abidine Ben Ali, réélu le 25 octobre, a par ailleurs mis en exergue la nécessité de prendre en compte la nouvelle donne de l’économie et des changements climatiques, mais aussi d’inscrire le saut qualitatif de l’agriculture dans le développement durable. Le premier impératif est d’assurer la sécurité alimentaire : cette dernière est amorcée, mais le pays est encore dépendant des importations pour les céréales, les viandes et le lait (voir pp. 73-74).

Les autres priorités sont de développer les ressources humaines ainsi que les technologies au service de la mise à niveau du secteur, et de promouvoir la préservation de l’environnement et la gestion rationalisée des sols et des ressources en eau.

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Le nombre d’exploitations augmente. Il est passé de 387 000 en 1990 à 516 000 en 2008, tiré vers le haut par les incitations en faveur des investissements agricoles.

Des activités de service spécialisées, qui confèrent au produit agricole une forte valeur ajoutée, ont été encouragées et se sont développées. Enfin, céréaliculture mise à part, les stratégies sectorielles s’avèrent payantes et des produits tels que la pomme de terre, la tomate, l’huile d’olive, le lait, les viandes rouges, les produits avicoles et halieutiques tirent leur épingle du jeu : non seulement ils se repositionnent sur les marchés et en explorent des niches, mais ils permettent aux agriculteurs d’équilibrer leurs coûts de production… Et de leur laisser envisager de dégager une marge bénéficiaire suffisante pour vivre.

Enfin, l’accent est mis sur la production biologique et la mise aux normes, avec pour objectif les marchés internationaux. L’agriculture tunisienne ne veut plus se cantonner à ses marchés traditionnels à l’export, tel le marché européen, mais que ses produits phares, comme l’huile d’olive (voir p. 76), conquièrent l’Amérique du Nord et l’Asie.

Objectif : développement durable

Le marché africain n’est pas en reste : la création de l’Union maghrébine des agriculteurs (Umagri) et d’une plate-forme africaine indique que la tendance est à l’échange de savoir-faire pour une agriculture durable sur le continent. Nouveaux fers de lance de cette approche, l’innovation et la transformation doivent désormais assurer le bond qualitatif des produits tunisiens. Plutôt que de produire plus pour consommer plus, il s’agit de produire mieux pour vivre mieux (et vendre mieux), en respectant les ressources naturelles et en adoptant des normes de production fondées sur le développement durable. Cette dynamique est perceptible au sein même du marché local, qui est certes limité, mais a vu s’installer, en moins de trois ans, une multitude de nouveaux produits made in Tunisia dérivés de l’agriculture – cosmétiques, décoration, combustibles… –, dont les consommateurs, au-delà de la qualité, apprécient le côté terroir et écologiquement responsable. 

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