La guerre de l’Himalaya aura-t-elle lieu ?

Depuis la visite du dalaï-lama dans l’Etat indien de l’Arunachal Pradesh, frontalier du Tibet, les relations entre les deux pays se détériorent dangereusement.

Publié le 25 novembre 2009 Lecture : 4 minutes.

Rien ne va plus entre l’Inde et la Chine. La visite, du 8 au 14 novembre, du dalaï-lama, chef spirituel des bouddhis­tes tibétains, dans l’État indien de l’Arunachal Pradesh, frontalier du Tibet, a exacerbé les tensions. Les deux pays, qui se sont déjà fait la guerre en 1962, ont déployé des troupes de part et d’autre de la frontière (dont le tracé, à travers l’Himalaya, n’a jamais pu être établi avec précision), tandis que leurs médias bruissent d’accusations et d’invectives mutuelles. Réunis en Thaïlande en marge du sommet de l’Association des nations du Sud-Est asiatique (Asean), fin octobre, les dirigeants des deux pays ont décidé de régler pacifiquement leurs différends, litiges territoriaux et accusations de violations de la frontière. Mais sans parvenir à calmer les ardeurs des extrémistes. Quatre questions pour comprendre.

Pourquoi cette poussée de fièvre ?

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Tout a commencé lorsque, le 3 octobre, le Premier Ministre indien Manmohan Singh s’est rendu dans l’État d’Arunachal Pradesh. Traditionnellement, les autorités chinoises considèrent toute visite d’un responsable indien de haut niveau dans cette province contestée comme une « provocation ». Tandis que New Delhi ne perd pas une occasion de rappeler qu’elle est « partie intégrante et inaliénable » de son territoire. La polémique s’est aggravée lorsque, quelques jours plus tard, la presse indienne a fait état d’incursions répétées de soldats chinois en territoire indien, tant dans le Nord-Est qu’au Ladakh, dans l’État du Jammu-et-Cachemire. La récente signature d’un accord sino-pakistanais pour la construction d’une autoroute et d’un barrage hydroélectrique dans la partie pakistanaise du Cachemire n’a pas contribué à arranger les choses. « Nous espérons que Pékin privilégiera les relations sino-indiennes à long terme et mettra fin à ses projets dans une région occupée illégalement par le Pakistan », a déclaré le porte-parole du ministère indien des Affaires étrangères

Quels sont les litiges frontaliers ?

Longue de 3 500 km, la frontière sino-indienne traverse des régions de hauts plateaux et d’impressionnants massifs montagneux. L’Inde revendique, à l’Ouest, la région de l’Aksai Chin, située dans le Ladakh, au Cachemire, et occupée unilatéralement par la Chine depuis les années 1960. Pour cette dernière, ce territoire de 38 000 km2 revêt une importance stratégique : il se trouve sur la principale route reliant Lhassa, capitale du Tibet, à la province du Xinjiang, à l’ouest de la Chine. Pour sa part, on l’a vu, la Chine revendique, à l’Est, la totalité de l’État indien de l’Arunachal Pradesh (90 000 km2).

Ce sont les Britanniques qui, en 1914, ont établi le tracé de la frontière entre le Tibet et l’Inde (ce qu’on appelle la « ligne McMahon ») et octroyé l’Arunachal Pradesh à la seconde. La Chine communiste, qui a annexé le Tibet en 1959, n’a jamais reconnu la frontière. Pour elle, il ne fait aucun doute que cette région lui appartient et, dans les documents officiels, la désigne sous l’appellation de « Tibet méridional ». Depuis la conclusion d’un traité d’amitié, en avril 2005, diplomates indiens et chinois se sont rencontrés à une dizaine de reprises à ce sujet. Sans jamais parvenir à un accord.

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Pourquoi la Chine s’oppose-t-elle à la visite du dalaï-lama dans l’Arunachal Pradesh ?

Le dalaï-lama (75 ans), qui vit en exil en Inde depuis 1959, avait, il y a plusieurs mois, informé les autorités indiennes de son désir de se rendre dans cet État frontalier à majorité bouddhiste, afin d’y participer à des fêtes religieuses. New Delhi lui ayant donné son accord, lesdites fêtes ont eu lieu la semaine dernière, en sa présence, à Tawang. Construit il y a trois cents ans, le monastère de cette ville est le plus vieil édifice bouddhiste d’Inde. Et un haut lieu de pèlerinage tibétain. Des milliers de fidèles traversent clandestinement la frontière chinoise, à 35 km de là, pour venir prier. Le dalaï-lama y entretient des liens très étroits avec les moines, qui lui donnèrent asile lors de sa fuite de Chine, il y a cinquante ans.

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Les autorités chinoises sont convaincues qu’en se rendant à Tawang, le chef spirituel tibétain a voulu manifester son soutien aux indépendantistes, alors qu’il a toujours soutenu que son voyage était d’ordre strictement religieux. Cela ne l’a pas empêché de dire à Tawang, à mots couverts, tout le mal qu’il pense de la position chinoise concernant l’Arunachal Pradesh.

Un nouveau conflit armé est-il possible ?

Les deux pays « semblent avoir davantage de raisons de s’affronter que de trouver un terrain d’entente », lisait-on récemment dans la presse officielle chinoise. De fait, la rivalité entre les deux puissances économiques émergentes a tendance à s’exacerber. Bien entendu, la Chine possède une bonne longueur d’avance, grâce à son exceptionnel dynamisme économique et à son statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, mais elle s’inquiète de voir son rival tomber dans l’orbite américaine.

En fait, le processus a commencé sous l’administration Bush. Et Barack Obama voudrait lui donner une nouvelle impulsion afin de contrecarrer, à terme, l’influence chinoise en Asie. Alors, pour maintenir la pression sur son grand voisin du Sud, Pékin réactive périodiquement les vieux différends frontaliers et déploie au Tibet des missiles nucléaires pointés sur les grandes villes indiennes.

Pour autant, un scénario comparable à celui de 1962 n’est, de l’avis de tous les spécialistes, pas à l’ordre du jour, les deux pays ayant beaucoup plus à perdre qu’à gagner à une confrontation ouverte. Leurs relations commerciales, notamment sont au beau fixe : 60 milliards de dollars cette année, contre à peine 5 milliards en 2002. Et puis, de l’avis même de leurs chefs, les forces indiennes ne font pas le poids face à la puissance de feu de l’Armée populaire de libération. Quant à la Chine, elle souhaite éviter d’apparaître comme une puissance agressive et hégémonique aux yeux de ses partenaires européens et américains.

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