Obama le Chinois

Établi à Shenzhen et marié à une autochtone, le demi-frère du président américain vient de publier un roman très largement autobiographique.

JOSEPHINE-DEDET_2024

Publié le 15 novembre 2009 Lecture : 3 minutes.

Ils n’ont pas la même mère, n’ont pas grandi ensemble, n’ont aucun souvenir commun et se connaissent à peine. Pourtant, ils vivent l’un et l’autre dans l’ombre de leur père, Barack Obama Sr., disparu dans un accident de voiture en 1982, à 46 ans. Pour Barack Obama Jr., ce dernier aura été un géniteur absent et idéalisé. Pour Mark Okoth Obama Ndesandjo, qui refusa pendant des années de porter ce patronyme, il fut, au contraire, beaucoup trop présent.

Obama père était un personnage. Présence imposante et voix de baryton, ce fils d’un gardien de chèvres kenyan est la figure centrale des Mémoires du président américain (Les Rêves de mon père) et du roman autobiographique de Ndesandjo (De Nairobi à Shenzhen), sorti le 4 novembre. Fas­­ci­­­­nant et exaspérant, charmeur et colérique, ce coureur de jupons invétéré a fait huit enfants à quatre femmes, qu’il a soit négligé(e)s, soit battu(e)s comme plâtre.

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DÉCHÉANCE PATERNELLE

Abandonné à l’âge de 2 ans avec sa mère, Stanley Ann Dunham, une forte femme qui lui a toujours répété qu’il devait être fier de ses origines africaines, Barack Jr. (48 ans) a gardé de la seule visite de son père à Hawaii, en 1971, la nostalgie d’un bonheur enfui. Mark, son demi-frère (43 ans) a passé son enfance au Kenya où sa mère, Ruth Nidesand, une Américaine blanche, comme Stanley Ann, avait suivi son père. Il a assisté à la déchéance de ce dernier, ancien de Harvard promis à un bel avenir politique dans son pays, mais qui, ne supportant pas sa mise à l’écart pour des raisons ethniques (il était luo), sombra peu à peu dans l’alcoolisme. « Mon père me battait et battait ma mère », raconte-t-il. Jugement désabusé de cette dernière : Barack Sr. était « un homme brillant et un cas social ».

Mark se réfugie dans la musique classique : il tient de sa grand-mère maternelle, une juive lituanienne, un don pour le piano. Contrairement à Barack, il grandit dans la haine du père. Mais comme lui, et sans le savoir, (ils vivent à des milliers de kilomètres l’un de l’autre), il se pose des questions sur son identité. Tous deux sont à la fois tourmentés et galvanisés par l’exemple – ou le contre-exemple – paternel. Tous deux forgent leur personnalité grâce au soutien de leurs mères et grands-mères. Tous deux font de brillantes études aux États-Unis : Barack à Harvard (droit), Mark à Stanford (physique).

Leur première rencontre, Barack la relate dans son autobiographie. « Tu penses que je suis coupé de mes racines ? lui lance Mark. Eh bien, c’est vrai. ». À preuve, lorsque, en 2002, il perd son emploi chez Lucent, le géant des télécoms, il s’expatrie à l’autre bout du monde. À Shenzhen, mégapole chinoise de 8 millions d’habitants près de Hong Kong, il aide un ami à monter une chaîne de restaurants, donne des cours d’anglais ou de piano et, à l’instar de son frère, qui fut « organisateur social » dans les quartiers pauvres de Chicago, s’occupe d’orphelins.

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Présent à Washington pour la cérémonie d’investiture de son frère, en janvier 2009, il reconnaît que cette élection l’a aidé à retrouver « la fierté » de son nom. Dans son roman, où il décrit la dérive d’Obama Sr. et celle d’un Kenya miné par la corruption et les conflits ethniques, il fait la paix avec ses origines. Crâne rasé et silhouette longiligne, Mark ne livre que de rares confidences, sans doute pour ne pas gêner son frère. Il n’exclut pourtant pas d’écrire à son tour une autobiographie. Son rêve ? Revoir Barack à l’occasion de sa visite en Chine, du 15 au 18 novembre. Et lui présenter son épouse chinoise.

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