Palestine : pourquoi Abbas claque la porte

Découragé par la mauvaise volonté de Benyamin Netanyahou et l’impuissance des États-Unis, le président palestinien semble bien décidé à ne pas briguer un nouveau mandat.

Publié le 15 novembre 2009 Lecture : 4 minutes.

Il est facile de ne voir dans la décision de Mahmoud Abbas de ne pas se présenter à la prochaine élection présidentielle palestinienne que le cri plaintif d’un homme capricieux, réclamant plus d’attention. Depuis qu’il a pris les rênes de l’Autorité palestinienne (AP) après la mort d’Arafat, en novembre 2004, il a souvent paru en position inconfortable et a menacé à plusieurs reprises de démissionner. Sous son règne, l’AP a pourtant connu moins d’affaires de corruption et s’est sincèrement engagée dans la lutte pacifique contre l’occupation israélienne. Mais c’est aussi sous le mandat d’Abbas que sont apparues les pires divisions qu’ait connues le mouvement national palestinien. Et les chances du président palestinien de mener à bien sa mission – négocier la création d’un État indépendant – de fondre comme neige au soleil…

Cette fois, Abbas paraît vraiment décidé à jeter l’éponge, d’autant que les élections générales prévues en janvier ont finalement été repoussées sine die. Mais le leader palestinien, qui entendait démissionner sans plus tarder, a accepté, à la demande pressante de ses alliés, de différer son départ effectif. La décision d’Abbas est la triste illustration de la rapidité avec laquelle les espoirs de paix soulevés il y a un an par l’élection de Barack Obama se sont volatilisés. Il y a seulement quelques mois, un vent inhabituel d’optimisme soufflait sur le Moyen-Orient à l’approche de ce que l’on croyait être une grande initiative américaine en faveur de la paix. L’administration Obama avait non seulement compris qu’il était important de résoudre le conflit israélo-palestinien mais se disait prête à y consacrer tous les efforts nécessaires. Les deux aspects essentiels de cette nouvelle orientation consistaient à renforcer Abbas, le champion de la négociation pacifique, et à affaiblir les radicaux du Hamas.

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Volte-face américaine

Comment se fait-il alors que le leader palestinien se soit senti frustré aussi rapidement ? Dans les discours et les intentions, les États-Unis ont tenu parole. George Mitchell, l’envoyé d’Obama au Moyen-Orient, chercha à obtenir d’Israël qu’il s’engage à arrêter l’expansion des colonies juives dans les territoires occupés en échange d’un début de normalisation avec les États arabes, considérant que c’était de solides conditions préalables à des négociations sérieuses. Mais après plus de six mois d’intense activité diplomatique, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou refuse de céder, consentant tout juste à un gel partiel de la colonisation… sauf dans la partie arabe de Jérusalem.

Peut-être Obama avait-il trop à faire avec l’Afghanistan, le Pakistan, l’Iran, la bataille intérieure de la réforme de la santé pour s’offrir le luxe de s’opposer frontalement à Israël. Peut-être Netanyahou est-il plus habile manœuvrier que les alliés arabes d’Abbas, englués dans leurs chamailleries. Toujours est-il que les États-Unis ont changé leur fusil d’épaule, acceptant l’offre israélienne et appelant à une reprise des négociations sans condition préalable. « Les Américains disent désormais à Abbas : “Ne laissez pas tomber Obama. Faites en sorte qu’il ne soit pas le seul président américain à ne pas être parvenu à relancer le processus de paix” », explique un allié arabe du président palestinien.

Abbas, un leader qui a souvent demandé avec insistance l’ouverture de négociations de paix, se retrouve aujourd’hui à tenter désespérément de résister aux pressions américaines en faveur de la reprise des discussions. Mieux vaut se retirer, a-t-il dû se dire, plutôt que de s’engager dans ce que ses conseillers assimilent à « un suicide politique ». La crainte des Palestiniens n’est pas sans fondement : si les États-Unis n’ont pas réussi à obtenir d’Israël un gel de la colonisation, ils risquent de revenir au bout de quelques mois de négociations avec un nouveau plan de paix encore plus bancal proposant aux Palestiniens un État aux frontières provisoires, sans que les questions de Jérusalem-Est et des réfugiés ne soient résolues.

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Abbas ne peut de toute façon plus faire machine arrière – l’AP est déjà dans de sales draps pour n’avoir rien obtenu après des années de négociations. Sa cote personnelle a également pris un coup après qu’il eut bêtement cédé aux pressions américaines et israéliennes en acceptant que soit reporté l’examen par l’ONU du rapport Goldstone sur les crimes commis par Israël et le Hamas lors de la guerre de Gaza, en décembre 2008-janvier 2009. Sa volte-face sous la pression populaire n’a pas manqué d’être exploitée par le Hamas, qui a torpillé les efforts de médiation de l’Égypte pour réconcilier les factions palestiniennes.

Etat binational

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Les Palestiniens ne peuvent pas se permettre de perdre le soutien des Américains et ne semblent pas avoir une autre alternative viable pour négocier la solution de deux États. Mais certains responsables palestiniens appellent désormais ouvertement à la création d’un État binational regroupant Juifs et Arabes. D’autres estiment que l’AP doit poursuivre l’édification de ses institutions, proclamer unilatéralement un État sur les territoires occupés par Israël depuis 1967 et demander sa reconnaissance à la communauté internationale. Pour Israël, l’option de l’État binational est encore pire que la solution de deux États, notamment parce les Arabes y seront rapidement plus nombreux que les juifs. La seconde option dépend de la volonté de coopération d’Israël et de la possibilité de placer la Cisjordanie et Gaza sous une même autorité, deux conditions qu’il ne sera pas facile de réunir.

Les alliés arabes des États-Unis demandent à Washington de sauver la solution de deux États en offrant aux Palestiniens des garanties sur le contenu et le calendrier des négociations. L’administration Obama aurait dû, dès le départ, mettre sur la table son propre plan de paix – comme l’avait fait, quoique tardivement, Bill Clinton. Les intérêts israéliens, palestiniens et américains auraient été en effet mieux défendus si Washington avait proposé un plan B à même d’atteindre l’objectif que se sont fixé les États-Unis : l’ouverture de négociations débouchant sur des résultats et non sur la perpétuation de progrès illusoires.

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