Mandela : le long automne du patriarche

Nelson Mandela, 91 ans, est au crépuscule de sa vie. Il ne sort quasiment plus. Celia W. Dugger, de l’International Herald Tribune, a rencontré ses proches et dresse un portrait touchant de l‘homme qui incarne encore la nation sud-africaine.

Publié le 24 novembre 2009 Lecture : 3 minutes.

Nelson Mandela est un vieil homme. Ses cheveux ont blanchi, sa silhouette est frêle. Il entre, lentement, dans son cabinet de travail, s’appuyant de tout son poids sur une canne. Enlève ses chaussures, s’installe dans un fauteuil, puis lève ses jambes, l’une après l’autre, pour les poser sur un repose-pieds, racontent ses visiteurs. Son épouse, Graça Machel, ajuste la position « pour que ses jambes soient parallèles, puis elle dépose un baiser sur son front », raconte George Bizos, ancien avocat de Mandela et l’un de ses plus proches amis.

À gauche de son fauteuil, une table basse couverte de journaux, en anglais et en afrikaans, la langue des Blancs qui l’ont emprisonné pendant vingt-sept ans. La famille et les amis se tiennent toujours à sa droite, du côté où il entend le mieux. Sa mémoire n’est plus aussi vive, il aime pourtant toujours rappeler le souvenir d’histoires racontées mille fois, « polies comme des pierres », comme dit l’un de ses proches. […]

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Nelson Mandela, probablement le chef d’État le plus respecté au monde, a plusieurs fois annoncé qu’il se retirait de la vie publique, apparaissant de temps en temps à un concert pop donné en son honneur ou à un meeting politique. Récemment, il a annulé des rendez-vous, alimentant ainsi des rumeurs alarmantes sur son état de santé. Sa fondation a dû publier un communiqué indiquant qu’il allait « aussi bien que l’on puisse espérer pour un homme de 91 ans ».

Son héritage est l’objet de tous les soins. « Il était et reste un archiviste obsessionnel, raconte Verne Harris, en charge de la “mémoire” de Mandela depuis 2004. Un livre, Conversations avec moi-même, composé de nombreuses reproductions de documents sera bientôt disponible. Il contient des pépites venues d’endroits inattendus. Comme les calendriers touristiques que l’administration pénitentiaire lui donnait chaque année à Robben Island. Il y notait son quotidien, mais aussi sa pression artérielle, et parfois un rêve. Comme celui avec sa fille Zindzi, 3 ans au moment de son emprisonnement et qu’il n’a pas revue avant ses 15 ans. « Elle me demandait de l’embrasser et me disait que je manquais de chaleur », écrivait-il de sa cellule.

Les rumeurs sur sa santé viennent aussi du fait qu’il reçoit moins. « Il est fatigué des bavardages avec des gens qu’il ne connaît pas », indique Verne Harris. « Il peut se souvenir en détail d’événements du passé. Mais vous savez ce qu’est la vieillesse… La mémoire du présent commence à mal fonctionner et il y a aussi des jours moins bien que d’autres », poursuit-il.

C’est l’épouse de Nelson Mandela, Graça Machel, 64 ans, veuve de l’ancien président mozambicain, Samora Machel, qui veille sur lui aujourd’hui. « Ils se comportent comme de jeunes amoureux, se prenant par la main », confie George Bizos. Ses vieux amis et les piliers de la lutte antiapartheid continuent de lui rendre visite. Graça n’aime pas qu’il reste seul pour déjeuner, quand elle n’est pas à Johannesburg, de peur qu’il ne mange pas assez. Alors, de temps en temps, George Bizos reçoit un coup de téléphone, une invitation à déjeuner. Il s’assoit à sa droite. Et tous deux dégustent leur plat préféré, la queue de bœuf en sauce, et parlent du bon vieux temps. […]

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S’il disparaît de la scène, Mandela n’en reste pas moins au cœur des pensées. Pour beaucoup, il est toujours le leader idéal – chaleureux, magnanime, disposé à reconnaître ses erreurs – auquel on compare ses successeurs. Il est le père fondateur dont les valeurs constituent les piliers de la nation.

« La pensée de Mandela est le ciment qui unit l’Afrique du Sud », explique Mondli Makhanya, rédacteur en chef du Sunday Times. « Plus il vieillit, plus il s’affaiblit, plus proche est l’inévitable, et nous avons tous peur de ce moment. D’abord parce que nous l’aimons, ensuite parce que, après lui, qui va nous fédérer ? »

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Comme un enfant devenu grand, craignant à chaque fois qu’il quitte ses vieux parents qu’il s’agisse de la dernière visite, les Sud-Africains se préparent à l’ultime adieu à leur héros.

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