Les vérités amères d’Assoumani Azali

Dans un livre d’entretiens, l’ancien président des Comores explique, avec sobriété, comment il a vécu, gouverné, mais surtout comment il a su quitter le pouvoir.

Publié le 17 novembre 2009 Lecture : 3 minutes.

A l’en croire, Assoumani Azali n’avait qu’une obsession : quitter dignement le pouvoir. En Afrique, ce n’est finalement pas un objectif si facile à atteindre. Dans son autobiographie, ni révélations ni anecdotes savoureuses. Quand j’étais président est un bilan dressé avec sobriété par Azali lui-même. Dans cet ouvrage d’entretiens, l’ancien président des Comores (1999-2006) peint un tableau subjectif mais sincère de son action, d’abord en tant que soldat et chef d’état-major, ensuite en tant que président putschiste, et enfin comme président élu.

En employant le conditionnel, Azali confirme la thèse la plus répandue de l’assassinat d’Ahmed Abdallah en 1989 – selon laquelle un des collaborateurs de Bob Denard l’aurait tué – et infirme avec force celle avancée par le mercenaire, qui affirmait que le président comorien avait été assassiné par le chef d’état-major de l’époque. Classique, aussi, et guère contestée, l’affirmation selon laquelle Denard était financé par le régime de l’apartheid sud-africain.

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On n’en apprendra pas davantage sur la disparition mystérieuse de Mohamed Taki en 1998. Décédé dans l’avion qui le ramenait de Turquie, certains pensent que le président a été empoisonné ; Azali, évoque, lui, une mort « naturelle ».

La seule révélation concerne son choix surprenant, lors de l’élection présidentielle de 2006, de ne pas soutenir Caambi el-Yachourtui, son vice-président, qui était le favori de la communauté internationale. « Si nous avions soutenu un candidat de notre parti, les gens auraient pensé […] que je poussais un pion en avant pour, en réalité, rester derrière aux commandes », dévoile-t-il. Azali était, à le lire, obnubilé par l’idée de ne pas rester au pouvoir. De ne servir qu’une cause : la réconciliation nationale. Ses adversaires s’en moqueront, mais les faits le confortent dans ses propos : celui qui avait pris le pouvoir par les armes en 1999 « pour éviter une guerre civile » a tenu parole en organisant des élections relativement propres qui ont vu la victoire d’un opposant.

Des politiciens « lâches »

S’il a tendance à embellir ses principaux faits d’armes – sa (courte) résistance aux mercenaires de Denard en 1995, son choix de prendre le pouvoir en 1999, en pleine anarchie institutionnelle, sa volonté de dialoguer avec les séparatistes malgré les pressions de la communauté internationale –, il n’évoque pas son bilan économique limité, ni même l’impasse que représente le Nouvel Ensemble comorien (NEC), dont il fut le principal artisan. Azali n’en dévoile pas moins ses doutes. « J’ai commis des erreurs, voire des fautes », avoue-t-il, sans plus de détails.

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Ce long entretien permet de découvrir un homme serein ; un des rares présidents africains, comme son interlocuteur aime à le rappeler, à avoir quitté le pouvoir au terme de son mandat et à être resté au pays – « je n’avais rien à me reprocher ». Un soldat désolé par la lâcheté des responsables politiques comoriens – « la plupart […] ne croient en la démocratie que lorsqu’elle peut les conduire au pouvoir », regrette-t-il.

Le FMI et la Banque mondiale sont également égratignés, de même que la communauté internationale, coupable à ses yeux d’avoir retardé la réconciliation nationale – l’Union africaine en tête, dont il souhaite qu’elle soit « davantage à l’écoute de nos réalités » et « qu’on ne puisse pas lui reprocher d’agir comme une institution occidentale ». La France, condamnable pour avoir conservé Mayotte, n’est pas épargnée. Pour Azali, seuls la Chine, avec qui les relations « sont excellentes », et Thabo Mbeki, qui l’accompagna dans son action, sont dignes de quelques compliments.

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Quand j’étais président, éditions Duboiris, Paris, 15 euros.

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