Minarets non désirés

Une femme en niqab vous fixe de ses petits yeux. Derrière elle, des minarets en forme de lances transpercent la croix du drapeau helvétique. « Stop ! Oui à l’interdiction des minarets », proclame le slogan. Bienvenue en Suisse…

Le 29 novembre, les électeurs du pays aux tendres alpages, ce modèle de démocratie qui inspira à Rousseau son Contrat social, sont convoqués à une « votation citoyenne ». Ils devront se prononcer sur l’interdiction de construire des minarets. D’après les sondages, près de 35 % d’entre eux seraient favorables à l’adoption de cette mesure. Au sein de la Confédération helvétique, tout électeur peut soumettre un texte de son cru à référendum. Pour cela, il doit recueillir 100 000 signatures en dix-huit mois. Si le texte obtient la majorité des suffrages (et des cantons), il est inscrit dans la loi.

Déposée en juillet 2008, l’initiative « contre la construction de minarets » a réuni 114 895 signatures. Elle émane d’une quinzaine de membres de l’Union démocratique du centre (UDC), un parti populiste de droite, et de l’Union démocratique fédérale (UDF), représentant la droite évangélique.

Cette « ligue » a beau s’en défendre, elle est hostile à l’islam. « Le minaret exprime la volonté d’imposer un pouvoir politico-religieux selon la devise “Nous sommes là et nous ne partirons plus !” », peut-on lire sur le site www.minarets.ch. Conclusion de cette analyse pour le moins fantaisiste : les tours qui coiffent les mosquées mettent en péril la paix religieuse, garantie par la Constitution.

Pour diaboliser l’islam, les « anti-minarets » ont eu recours à un photomontage pour réaliser une de leurs affiches de campagne : les quatre conseillers fédéraux (ministres) sont entourés de leurs trois collègues femmes… voilées de la tête aux pieds. La scène est barrée de ce subtil jeu de mots : « Arrêtons de nous voiler la face. » Le placard a finalement été interdit.

Et pourtant ! Dans une Suisse qui compterait 400 000 musulmans, il n’y aurait pas plus de cinq minarets, dont un à Zurich et un à Genève. Le premier d’entre eux a été construit à une époque où l’islam était en odeur de sainteté : il a été ajouté en 1865 à la maison du chocolatier Philippe Suchard, rentré subjugué d’un voyage au Moyen-Orient.