Toi y en a français ?
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 16 novembre 2009 Lecture : 2 minutes.
L’opération est cousue de fil blanc. Un débat sur l’identité française, lancé opportunément avant des élections qui s’annoncent mal (les régionales, 14 et 21 mars 2010) pour grignoter quelques voix à l’extrême droite. Les cordes sensibles vibrent, la patrie est en danger. Nicolas Sarkozy et son ministre de l’Immigration, de l’Intégration et de l’Identité nationale, Éric Besson, ont donc estimé qu’il était urgent et capital d’interroger les Français sur cette question qui les taraude au point de leur faire oublier leurs mille et un soucis : que signifie être français ? Des kits recensant deux cents questions forcément pertinentes ont été envoyés à tous les préfets du territoire, chargés d’interroger on ne sait trop comment leurs compatriotes en un temps record. Vive la démocratie participative ! Petit florilège, sur la signification présumée de la « Francitude » : est-ce « ce que nous avons fait ensemble » ou « ce que nous voulons faire ensemble » ? « Cet art culinaire » que la planète nous envie ? « Nos églises et nos cathédrales » ? « Notre patrimoine », « notre culture », « nos paysages », « notre agriculture » ? On aurait pu ajouter nos bérets, nos baguettes et autres poncifs. Sur les seize chapitres de cet interrogatoire tous azimuts, quatre concernent l’immigration. Avec cette lancinante question : Pourquoi accueillir les immigrés ? « Pour maintenir une tradition historique ? », « pour soutenir notre démographie ? », « pour occuper les emplois non pourvus de notre économie ? » Entendre par là faire le travail que les vrais Français ne veulent pas faire…
Le 12 novembre, Nicolas Sarkozy a cru bon d’enfoncer le clou. « À force d’abandon, nous avons fini par ne plus savoir très bien qui nous étions. Voilà pourquoi nous devons parler de notre identité nationale », a-t-il déclaré. Il aurait dû s’arrêter là. La suite, une série d’exemples qui raviront les fans de Jean-Marie et Marine Le Pen, se passe de commentaires. Il a estimé qu’on ne pouvait pas « vouloir bénéficier de la Sécurité sociale sans jamais se demander ce que l’on peut faire pour son pays », « vouloir bénéficier des allocations chômage sans se sentir moralement obligé de tout faire pour retrouver du travail » ou « vouloir profiter de la gratuité des écoles et ne pas être assidu aux cours, ne pas témoigner de la considération pour ses professeurs, ne pas respecter les bâtiments qui vous accueillent ». Ne manquent plus à l’argumentaire que le bruit et les odeurs. C’est bien connu, les bons (et vrais) Français ne se comportent pas ainsi.
Si s’interroger sur ses valeurs, ses projets communs ou son modèle d’intégration fait sens, la méthode, les arrière-pensées électoralistes et le timing anéantissent l’objectif. Pour être français, il suffit de répondre à un certain nombre de critères fixés par la loi. Ce débat n’est qu’un faux procès, où tout et n’importe quoi se mélangent : patriotisme, origines ethniques, comportements, religions, politiques publiques défaillantes, peur de l’avenir et de l’autre, racisme, etc. Une sorte de psychanalyse de comptoir à grande échelle, bâclée et dangereuse. Comme s’il n’y avait pas d’autres chats à fouetter…
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