Tu seras français, mon fils !

Fawzia Zouria

Publié le 10 novembre 2009 Lecture : 3 minutes.

« Maman, c’est quoi l’identité nationale ? Un drapeau ? Une langue ? Un plat ? Un accent ? » La question du petit Ali à sa mère est une véritable colle pour tous les pauvres parents immigrés que nous sommes. Nous, les premiers concernés par le débat ouvert par le gouvernement français, lequel doit avoir lieu dans toutes les préfectures et sous-préfectures de France. On nous vise ; ne soyons pas dupes. Ce n’est pas à ma copine Françoise qu’on va demander de prouver sa francité ou de dessiner les branches d’un arbre généalogique qui, comme chacun* sait, plonge ses racines jusque sous les pieds du Christ. C’est à nous que la « chose » s’adresse, à nos sauvageons, à nos peaux basanées, à nos Beurettes qui obstruent de leur voile l’horizon de la République, à nos mômes qui ont la fâcheuse manie de parler la langue de Molière à l’envers.

On peut se demander, tout à fait légitimement, pourquoi cette question de « l’identité » est en ce moment aussi récurrente. Un pays grand comme ça, qui commence à douter de ce qu’il est ? Je croyais que la République était une mécanique formidable qui, grâce à ses valeurs, à ses écoles, à sa richesse culturelle, mettait tout le monde dans le moule d’une France « unique parce que multiple » et « particulière parce qu’universelle »… Et voilà que Besson, Éric de son prénom, sème la panique. Les fondations ne seraient pas solides. Le socle serait fissuré.

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La maman immigrée que je suis veut bien réagir, donner un coup de main pour consolider l’édifice France. Mais que voulez-vous qu’elle dise à son fils ?

« Toi, mon petit lapin [“lapin”, cela fait bien “identité nationale”, non ?], à partir d’aujourd’hui, tu vas t’enraciner dans un lopin de terre, le président l’a dit. Faut écouter le président, tu vas te fondre dans le paysage, cacher tes boucles sous un béret. Tu vas débiter le français à l’endroit. Tu vas fréquenter le bar le plus proche, avaler une bonne assiette de charcuterie et du bon vin, un bordeaux de préférence. Ça te permettra d’y voir plus clair dans ton identité française. Je t’autorise aussi à changer de prénom – j’aime bien Michel –, mais pour ton nom, désolé, c’est trop tard. Tu défendras le drapeau, ça va de soi, et tu chanteras la Marseillaise. Ce n’est pas très compliqué, tu verras, ce n’est que du chant.

– Mais, maman, c’est tiep ! [“nul”, en langage “jeune”], répondra sans doute le jeune “lapinou”. Et il aura raison.

– Oui, mon fils, c’est vrai. Nous avons trop de respect pour ce pays pour débiter de telles idioties. Nous connaissons trop son histoire pour restreindre ses valeurs à un camembert ou à une strophe de la Marseillaise. Nous ne faisons pas que lui prendre, nous tenons aussi à lui donner ce que nous sommes et ce que nous transportons dans nos bagages, en termes de valeurs et de civilisations. Et nous sommes trop fiers que le monde puise dans les principes universels de ce pays pour le livrer au démon des crises de repli “identitaire”. Oui, mon fils, l’identité française que je t’enseignerai est une identité qui, tout en mettant en exergue l’héritage national, participe à l’avenir de l’humanité. Une identité non exclusive mais inclusive. La France est un pays que tu dois porter dans ton cœur, un pays dont tu dois défendre les intérêts. Et que tu portes casquette ou béret, étoile de David ou main de Fatma, cela ne change rien…

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Alors, monsieur Besson, à quoi rime ce débat ? En tout cas, ceux qui s’en prennent à l’identité « nationale » française ne sont peut-être pas ceux qu’on croit.

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