Courrier des lecteurs
Campagne à l’eau de rose
– La campagne présidentielle et législative qui s’est déroulée en Tunisie a été on ne peut plus drôle, bizarre et fantaisiste. À chacun de leurs meetings, les leaders de l’opposition, candidats à la magistrature suprême, ne tarissaient pas d’éloges à l’égard du président sortant. Aucune critique envers celui qui concourait avec eux pour le même poste. Aucune combativité ne caractérisait cette fade campagne. Comme si ces opposants-candidats étaient là pour la galerie. Ils étaient les plus dociles et les plus inoffensifs au monde.
Ali Mabrouk, Sousse, Tunisie
Algériens de seconde zone
– Je me rends chaque année en Algérie, et je remarque que, lors de notre séjour, les mêmes problèmes perdurent. D’abord, l’accueil qui nous est réservé lors de notre descente du bateau. Dans le meilleur des cas, environ trois heures sont nécessaires pour débarquer et passer la douane. Bien sûr, on peut sortir en une heure, voire moins, en corrompant un douanier ou un de ses comparses. Pour une modique somme de 2 000 ou 3 000 dinars (19 à 29 euros), vous sortez rapidement, avec un bonus supplémentaire : celui de ne pas voir votre véhicule fouillé. Et dire qu’on nous fait remarquer que la longue durée du passage en douane, c’est pour des raisons de sécurité intérieure !
Ensuite, comment se fait-il que les assurances auto internationales que nous possédons en France ne soient toujours pas valables en Algérie, alors qu’elles le sont au Maroc et en Tunisie ? Sur le bateau ou au port, on nous impose des assurances qui ne couvrent que la responsabilité civile. En cas de vol, de dégradations ou d’accident, il ne nous reste que les yeux pour pleurer. Nous sommes des Algériens de l’étranger mais des Algériens avant tout, et nous refusons d’être des Algériens de seconde catégorie !
Farid Yahyia, par courriel
Plongée dans les maquis congolais
– Au Congo-Brazzaville, les chansons « coupé-décalé », qui sont un mélange de complainte sentimentale et d’invitation aux ébats sexuels, font délirer 90 % des Congolais et connaissent un grand succès. Celle qui est actuellement « au top » s’intitule « Noungou Badia », ce qui veut dire « les filles mangeront du piment ». L’ironie du sort, c’est que le premier des Congolais est nommé dans cette « chanson X ». Mais le chef de l’État n’est pas le seul à être chansonné. Il y a aussi des ministres, des députés, des maires, des hommes d’affaires… Et personne ne dit rien. L’homme de la rue réagit en gloussant.
L’immoralité gagne l’étendue du territoire congolais à la vitesse d’un feu de brousse. Elle devient un danger national. Quand la nuit tombe dans les grandes villes, on voit déambuler dans les rues bon nombre de Congolais, mineurs comme adultes. Issus d’une double répression, sexuelle et politique, ils renaissent à la faveur de la nuit. Vrais morts-vivants, ils se métamorphosent dans les bars-dancings et night-clubs qui poussent chaque jour comme des champignons. Là, ils se débauchent, boivent de la bière, une activité qui apparaît comme leur unique richesse.
Abbé Vincent Tawo, Paris, France
« Double France »
– La voilà, la vraie rupture tant prônée par Nicolas Sarkozy. En lieu et place de la République de l’égalité des chances, un régime de la méritocratie « génétique », du pedigree et des privilèges pour certains. Le règne des « bien-nés » est de retour… « Quel meilleur critère que celui du savoir et de la compétence pour désigner ceux qui doivent exercer des responsabilités ? » Cette leçon d’éthique républicaine a pourtant été donnée aux lycéens par le président Sarkozy, qui présentait sa réforme sur les lycées, le 13 octobre à l’Élysée, en pleine polémique sur l’élection programmée de son fils à la tête de l’Epad. Sarkozy II n’aura pas usé beaucoup ses pantalons sur les bancs de la fac de droit pour jouir d’une ascension princière, quand l’ascenseur social est en panne pour d’autres jeunes. Lesquels rament pour décrocher un stage ou un simple entretien d’embauche !
On donne des leçons de gouvernance aux pays en voie de développement et on se gausse du népotisme de certains régimes africains, comme au Gabon, dernièrement. De la politique au cinéma, en passant par la télévision, le régime de la France d’en haut, celui « des fils et des filles de », coupé de la France d’en bas, a encore de beaux jours devant lui. « Double France », ironisait un jour le chanteur Rachid Taha…
Ali Darhlal, Talence, France
Sauver Dadis ?
– Depuis son élection, Dadis vit au célèbre camp Alpha Yaya Diallo. Pour son intimité, une chambre équipée jouxtant son bureau lui a été accordée. Par qui ? Ses geôliers. Le soldat Dadis est prisonnier des militaires guinéens. Il a été choisi pour la communauté internationale, car parlant « la langue de Molière ».
De sa prison dorée, le soldat Dadis reçoit sa famille. Lorsqu’il le désire, des femmes lui sont proposées (des célibataires, confirme-t-il lui-même). Toutes ses audiences sont organisées en présence de ceux-là mêmes qui l’ont mis à ce poste, ou de leurs représentants, toujours armés jusqu’aux dents. Quelle liberté a-t-il lui-même, sinon celle de s’exprimer avec des capacités mentales malheureusement défaillantes ? La libération du peuple guinéen passe aussi par la libération du soldat Dadis. Qu’Allah vienne au secours de tous les Africains et protège les femmes africaines des viols dont elles sont tous les jours victimes, en temps de paix comme en temps de troubles.
Ketty Dia, Dakar, Sénégal
À consommer avec modération
– Dans l’article consacré à la SABMiller (J.A. n° 2544), il y a un petit excès d’interprétation des chiffres. En effet, la consommation d’alcool par personne de l’Ouganda est comparée à celle des deux « champions européens » : le Luxembourg et la République tchèque. Pour le Luxembourg, le chiffre avancé est largement surestimé. En effet, les chiffres dits de « consommation » représentent les ventes d’alcool rapportées au nombre d’habitants. Or les grands voisins (Belgique, France, Allemagne) de ce petit Duché (500 000 habitants) viennent y acheter des litres et des litres d’alcool, largement détaxé (j’ai habité près de la frontière et, selon mes parents, qui y résident encore, cette pratique n’a jamais cessé). Ainsi, le chiffre de la « consommation » n’est en fait valable que pour la vente… C’est Alfred Sauvy qui disait : « Les chiffres sont de remarquables instruments qui, sous la torture, avouent bien ce que vous voulez leur faire dire ! »
Jacques Perani, Strasbourg, France
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